Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
ÉRATO, LIVRE VI.

couvrer Milet, les Perses firent ramener à Samos, par les Phéniciens, Æacès, fils de Syloson, qu’ils estimaient beaucoup, et qui leur avait rendu de grands services. Il n’y eut que les Samiens dont la révolte ne fut point punie par la destruction de leur ville et l’incendie de leurs temples, parce que leurs vaisseaux s’étaient retirés pendant le combat naval. Aussitôt après la prise de Milet, les Perses se rendirent maîtres de la Carie, dont une partie des villes reçut volontairement le joug, et l’autre le subit par force.

XXVI. Tandis qu’Histiée de Milet interceptait aux environs de Byzance les vaisseaux marchands ioniens qui sortaient du Pont-Euxin, on vint lui apprendre les malheurs arrivés à Milet. Aussitôt il remit à Bisaltes, fils d’Apollophanes, d’Abydos, les affaires de l’Hellespont, et fit voile à Chios avec les Lesbiens. Mais la garnison n’ayant pas voulu le recevoir, il lui livra bataille à l’endroit appelé Cœles, en tua un grand nombre ; et partant de Polichna, dont il s’était emparé, il subjugua, à l’aide des Lesbiens, le reste des habitants de l’île, d’autant plus aisément qu’ils avaient été fort maltraités dans le combat naval.

XXVII. Lorsqu’une nation ou une ville doit éprouver quelque grand malheur, ce malheur est ordinairement précédé de quelques signes. Aussi ceux de Chios eurent-ils des présages avant-coureurs de leur désastre. D’un chœur de cent jeunes garçons qu’ils avaient envoyé à Delphes, il n’en revint que deux ; les quatre-vingt-dix-huit autres périrent de la peste. Vers le même temps, et un peu avant le combat naval, le toit d’une école de la ville tomba sur des enfants à qui on enseignait les lettres ; de cent vingt qu’ils étaient, il n’en réchappa qu’un seul. Tels furent les signes avant-coureurs que la Divinité leur envoya. Ils furent suivis de la perte de la bataille navale qui fit tomber leur ville sur le genou. Survint ensuite Histiée avec les Lesbiens, qui eut d’autant moins de peine à les subjuguer qu’ils étaient déjà épuisés.

XXVIII. Histiée alla de l’île de Chios à celle de Thasos avec un grand nombre d’Ioniens et d’Éoliens. Tandis qu’il en formait le siége, il apprit que les Phéniciens étaient