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ÉRATO, LIVRE VI.

s’étaient rasé la tête, et avaient témoigné leur affliction par toutes les marques extérieures de deuil. Aussi jamais union n’avait été plus intime que celle qui avait régné entre ces deux villes. Les Athéniens n’imitèrent pas les Sybarites. Ils furent excessivement affligés de la prise de Milet, et ils manifestèrent leur douleur de mille manières. Le théâtre fondit en larmes à la représentation de la tragédie de Phrynichus[1], dont le sujet était la prise de cette ville ; et même ils condamnèrent ce poëte à une amende de mille drachmes[2], parce qu’il leur avait rappelé la mémoire de leurs malheurs domestiques : de plus, ils défendirent à qui que ce fût de jouer désormais cette pièce. Milet perdit ainsi ses anciens habitants.

XXII. Ceux d’entre les Samiens qui étaient riches ne furent pas contents de la conduite de leurs généraux à l’égard des Mèdes. Ils résolurent, dans un conseil tenu aussitôt après le combat naval, de s’aller établir ailleurs avant l’arrivée d’Æacès, de crainte qu’en restant dans leur patrie, ils ne retombassent sous son joug et sous celui des Mèdes. Vers ce même temps, les Zancléens de Sicile envoyèrent en Ionie pour inviter les Ioniens à se rendre à Calacté, où ils avaient dessein de bâtir une ville ionienne. Ce lieu appartient aux Sicules, et se trouve dans la partie de la Sicile qui regarde la Tyrrhénie. Les Samiens furent les seuls qui se rendirent à cette invitation. Ils partirent avec quelques Milésiens qui avaient échappé à la ruine de leur patrie.

XXIII. Pendant que les Samiens, qui allaient en Sicile, étaient sur les côtes des Locriens-Épizéphyriens, les Zancléens faisaient avec Scythès, leur roi[3], le siége d’une ville de Sicile qu’ils voulaient détruire. Sur cette nou-

  1. Les anciens parlent de trois Phrynichus, tous trois Athéniens, tous trois poëtes dramatiques. Ils étaient antérieurs à Eschyle. Celui dont il est question ici fut le premier qui mit sur la scène un rôle de femme.
  2. Environ 900 francs de notre monnaie.
  3. Périzonius pense que ce Scythe était père de Cadmus, tyran de Cos. Mais il n’est pas vraisemblable que le père de Cadmus ait laissé la souveraineté de Cos, pour en aller chercher une autre à Zancle. Il es plus naturel de croire qu’il mourut à Cos, laissant à son fils la tyrannie en bon état, comme le dit Hérodote, liv. vii. (L.)

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