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ÉRATO, LIVRE VI.

qui étaient près d’eux, s’enfuirent aussi, et leur exemple fut suivi par un grand nombre d’Ioniens.

XV. Parmi ceux qui soutinrent le combat, les habitants de Chios furent les plus maltraités, parce qu’au lieu de se conduire en lâches, ils firent des actions très-éclatantes. Ils avaient fourni, comme on l’a dit précédemment, cent vaisseaux, montés chacun de quarante combattants choisis parmi les plus braves citoyens. Ils s’aperçurent de la trahison de la plupart des alliés ; mais, ne voulant pas imiter leur lâcheté, ils livrèrent le combat avec le petit nombre de ceux qui ne les quittèrent point, et passèrent et repassèrent entre les vaisseaux ennemis, pour revenir de nouveau à la charge, jusqu’à ce qu’après en avoir pris un grand nombre, ils eussent perdu la plupart des leurs. Ils s’enfuirent alors dans leur île avec ceux qui leur restaient.

XVI. Mais les vaisseaux qui avaient beaucoup souffert ne pouvant les suivre, et se voyant poursuivis, s’enfuirent vers Mycale, où ils se firent échouer ; et les ayant laissés en cet endroit, ils firent le voyage par terre. Lorsqu’ils furent sur le territoire d’Éphèse, ils s’avancèrent, à l’entrée de la nuit, vers la ville où les femmes célébraient alors les Thesmophories[1]. Les Éphésiens n’étaient pas encore instruits de ce qui était arrivé à ceux de Chios. Voyant ces troupes entrer sur leurs terres, ils s’imaginèrent que c’étaient des brigands qui venaient enlever leurs femmes, et, courant tous à leur secours, ils massacrèrent ces malheureux. Tel fut leur sort.

XVII. Denys de Phocée, voyant les affaires des Ioniens ruinées, prit trois vaisseaux aux ennemis, et alla, sans perdre un moment, et dans l’état où il était, non pas vers Phocée, sachant bien que cette ville serait réduite en esclavage avec le reste de l’Ionie, mais droit en Phénicie, où il coula à fond quelques vaisseaux marchands, et fit voile en Sicile avec beaucoup d’argent qu’il leur avait enlevé. De là il exerçait ses brigandages sur les Carthaginois et les Tyrrhéniens, en épargnant les Grecs.

  1. Les Thesmophories étaient une fête que les femmes célébraient en l’honneur de Cérès, parce qu’elle était supposée avoir la première donnée des lois aux hommes. Cette fête durait cinq jours. (Voyez Meursius, Græcia feriata.)