Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/453

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
454
HISTOIRE D’HÉRODOTE.

Cette preuve parut d’autant plus certaine à Périandre, qu’il avait joui de sa femme après sa mort. Ses envoyés ne lui eurent pas plutôt fait part, à leur retour, de la réponse de Mélisse, qu’il fit publier par un héraut que toutes les femmes de Corinthe eussent à s’assembler dans le temple de Junon. Elles s’y rendirent comme à une fête, avec leurs plus riches parures ; mais, les femmes libres comme les suivantes, il les fit toutes dépouiller par ses gardes, qu’il avait apostés dans ce dessein. On porta ensuite par son ordre tous ces habits dans une fosse, où on les brûla, après qu’il eut adressé ses prières à Mélisse. Cela fait, l’ombre de Mélisse indiqua à celui qu’il avait envoyé pour la seconde fois le lieu où elle avait mis le dépôt.

» Telle est, Lacédémoniens, la tyrannie ; tels sont ses effets. Aussi fûmes-nous alors fort étonnés, nous autres Corinthiens, quand nous vous vîmes mander Hippias ; mais le langage que vous tenez maintenant nous surprend encore davantage. Nous vous conjurons, au nom des dieux de la Grèce, de ne point établir dans les villes la tyrannie. Mais si, persistant dans votre premier dessein, vous entreprenez, contre toute justice, de rétablir Hippias dans Athènes, sachez que vous n’aurez pas du moins les Corinthiens pour approbateurs. »

XCIII. Sosiclès, député de Corinthe, ayant cessé de parler, Hippias lui répondit, après avoir invoqué les mêmes dieux, que les Corinthiens auraient un jour plus sujet que tout autre peuple de regretter les Pisistratides, lorsque serait arrivé le temps fixé par les destins où ils seraient vexés par les Athéniens. Hippias leur parlait ainsi, parce que nul homme n’avait une connaissance plus parfaite des oracles. Le reste des alliés avait jusque-là gardé le silence ; mais, ayant ouï le discours de Sosiclès, ils s’écrièrent tous avec liberté, et d’une voix unanime, qu’ils étaient de son avis ; et s’adressant aux Lacédémoniens, ils les conjurèrent de ne rien entreprendre contre une ville grecque, et de n’introduire aucune nouveauté dans son gouvernement. Ainsi échoua le projet des Lacédémoniens.

XCIV. Hippias étant parti de Lacédémone, Amyntas,