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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

l’un ni l’autre, mais l’olivier franc. Les Épidauriens, persuadés que les oliviers de l’Attique étaient les plus sacrés, prièrent en conséquence les Athéniens de leur permettre d’en couper. On dit même qu’en ce temps-là l’Attique était le seul pays où il y en eût[1]. Les Athéniens le leur permirent, à condition qu’ils amèneraient tous les ans des victimes à Minerve Polias[2] et à Érechthée. Les Épidauriens, ayant accepté ces conditions, obtinrent ce qu’ils demandaient ; et, ayant fait des statues de ces oliviers, ils les posèrent dans leur pays, qui devint fertile, et ils remplirent leurs engagements avec les Athéniens.

LXXXIII. Les Éginètes reconnaissaient avant cette époque, et même encore en ce temps-là, la souveraineté d’Épidaure, et ils étaient obligés de se rendre en cette ville pour y faire juger leurs procès. Mais depuis ils construisirent des vaisseaux, et, s’étant abandonnés à leur mauvaise foi, ils se révoltèrent contre les Épidauriens, se déclarèrent leurs ennemis, et comme ils étaient devenus les maîtres de la mer, ils ravagèrent leurs terres, et leur enlevèrent les statues de Damia et d’Auxésia, qu’ils placèrent au milieu de leur île, dans un canton nommé Œa, environ à vingt stades de la ville. Lorsqu’ils les eurent mises en cet endroit, ils tâchèrent de se les rendre propices en instituant en leur honneur des sacrifices et des chœurs de femmes qui se disaient des injures[3] ; et ils assignèrent à

  1. Il est faux qu’on ne trouvât alors des oliviers que dans l’Attique. Hérodote le savait bien ; mais il ne voulait pas heurter de front la petite vanité des Athéniens, et pour sauver son honneur il a mis cette restriction : On dit. (L.)
  2. Le titre de Polias, donné à Minerve, qui se rencontre dans une infinité de passages des anciens, a été rarement entendu. M. Brunck l’a bien rendu dans ce passage de Sophocle : Νίκη τ’ Αθηνά Πολιάς, et victrix Minerva arcium præses. Les autres versions portent urbitum custos. Minerve Polias, ou protectrice de la citedelle, était non-seulement adorée à Athènes, mais encore par différents peuples. Il en est fait mention dans le traité entre ceux de Hiérapytne et de Priansius en Crète, et dans le serment prêté par les habitants de Gortyne et de Priansius. La statue de cette déeese se conservait à Athènes, dans le temple qu’elle avait dans la citadelle. On l’y voyait encore du temps de Plutarque ; c’était un morceau de bois informe, comme nous l’apprend Tertullien. (L.)
  3. Il n’y a pas d’excès où ne se soient portés les hommes quand ils étaient livrés à eux-mêmes et à leur sens réprouvé. Est-il possible qu’on ait cru honorer la divinité en se lançant mutuellement des sarcasmes ? Dans l’île