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TERPSICHORE, LIVRE V.

méonides de ces meurtres. Cet événement est antérieur à Pisistrate[1].

LXXII. Cléomène ayant donc envoyé un héraut pour faire chasser Clisthène, ainsi que les personnes dévouées à l’anathème, ce dernier se retira de lui-même. Cléomène n’en vint pas moins, quelque temps après, à Athènes, accompagné de peu de monde. À son arrivée, il chassa sept cents familles athéniennes[2] qu’Isagoras lui désigna. Cela fait, il tenta de casser le sénat, et voulut confier l’autorité à trois cents personnes du parti d’Isagoras. Mais le sénat s’y étant opposé et ayant refusé d’obéir, Cléomène s’empara de la citadelle avec Isagoras et ceux de sa faction. Le reste des Athéniens, qui était uni de sentiments avec le sénat, les y tint assiégés pendant deux jours ; le troisième, on traita avec les Lacédémoniens renfermés dans la citadelle, et il leur fut permis de sortir de l’Attique à de certaines conditions : ainsi s’accomplit le présage de Cléomène[3]. Car, étant monté à la citadelle à dessein de s’en emparer, il voulut entrer dans le sanctuaire de la déesse (Minerve) pour la consulter. Mais la prêtresse, s’étant levée de son siége avant qu’il eût passé la porte, lui dit : « Lacédémonien, retourne sur tes pas, et n’entre point dans ce temple ; il n’est pas permis aux Doriens d’y mettre le pied. Je ne suis pas Dorien, répondit Cléomène, mais Achéen[4] » ; et, sans s’inquiéter de ce présage, il tenta l’entreprise, et

  1. Il est antérieur de 52 ans. Cylon voulut s’emparer d’Athènes l’an 4102 de la période julienne, et Pisistrate s’en rendit maître l’an 4154.
  2. Ce terme n’est point inutile. Hérodote l’a ajouté parce qu’il y avait à Athènes beaucoup d’étrangers domicilés qui jouissaient de tous les droits de citoyens, excepté qu’ils ne pouvaient occuper aucune place qui leur donnât quelque autorité dans l’État. On les appelait métœques, μέτοικοι, terme qui signifie proprement des gens qui ont transporté leur domicile ailleurs, qui ont quitté leur patrie pour s’établir ailleurs. Leurs descendants à perpétuité n’avaient pas plus de part au gouvernement de l’État que ceux de leurs ancêtres qui s’y étaient établis les premiers, à moins que des services essentiels ne les eussent fait admettre au nombre des citoyens. (L.)
  3. Φήμη est ce que les Latins appelaient omen. Omen, dit Festus, quasi oremen, quia fit ab orc. Les anciens observaient avec soin les paroles des personnes qu’ils rencontraient, afin d’en tirer un présage heureux ou fâcheux pour l’avenir. (L.)
  4. Les Achéens avaient été les maîtres de Lacédémone avant le retour des Héraclides. C’est une misérable défaite de Cléomène. (L.)