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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

régna peu de temps ; il mourut sans enfants mâles, et ne laissa qu’une fille nommée Gorgo[1].

XLIX. Aristagoras[2], tyran de Milet, arriva donc à Sparte tandis que Cléomène en occupait le trône. Il vint pour s’aboucher avec lui, comme le disent les Lacédémoniens, tenant à la main une planche de cuivre sur laquelle était gravée la circonférence entière de la terre avec toutes les mers et les rivières dont elle est arrosée[3] ; il lui parla en ces termes :

« Cléomène, ne soyez point étonné de mon empressement à me rendre ici. Les affaires sont urgentes. Il s’agit de la liberté des Ioniens. Si leur esclavage est pour nous un opprobre, un sujet de douleur, à plus forte raison doit-il l’être pour vous, qui êtes les premiers de la Grèce. Ils sont vos parents, ils sont vos frères ; délivrez-les de la servitude, je vous en conjure au nom des dieux des Grecs. Cette entreprise est aisée. Les Barbares ne sont point belliqueux, et vous, vous êtes parvenu par votre valeur au plus haut degré de gloire qu’on puisse obtenir par les armes. Ils ne se servent dans les batailles que de l’arc et de courts javelots ; ils se présentent au combat avec des habits embarrassants, et la tiare en tête[4], ce qui

  1. Elle épousa Léonidas. Lorsque ce prince partit pour les Thermopyles, Gorgo lui ayant demandé ses ordres : « Épousez, lui dit-il, un homme de bien, et devenez mère de braves gens. » Il s’attendait en effet à périr. Cette princesse était très-vertueuse, et c’est une des femmes que Plutarque propose pour modèle à Eurydice.
  2. Hérodote reprend ici la narration qu’il avait interrompue, § xxxix, par une digression sur les enfants d’Anaxandrides, et particulièrement sur les aventures de Doriée, frère de Cléomène.
  3. Voilà une époque bien ancienne pour les cartes géographiques, du moins en Grèce, puisque le voyage d’Aristagoras à Lacédémone doit être de la première année de la lxixe olympiade, 504 ans avant l’ère vulgaire. Elles devaient même être en ce temps là assez communes, puisque Anaximandre en fait 71 ans auparavant. On sait qu’il fleurissait 575 avant notre ère. C’est Strabon qui nous apprend, d’après Érathostènes, que ce philosophe, qui avait été disciple de Thalès, avait le premier publié une carte géographique. (L.)
  4. Κυρβασίας dans le texte. Ce mot, qui signifie la crête d’un coq, se prend aussi pour la tiare des Perses. « Les images, dit Démétrius de Phalère (dans son livre sur l’élocution), sont agréables, par exemple, si vous comparez le coq au roi de Perse, parce que cet oiseau porte la crête droite. » Les rois portaient la tiare droite. (L.)