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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

le même temps à favoriser son projet, le communiqua à ceux de son parti, ainsi que les ordres d’Histiée, et en délibéra avec eux. Ils l’exhortèrent tous unanimement à secouer le joug, excepté l’historien Hécatée, qui tâcha d’abord de l’en détourner, en lui représentant la puissance de Darius, et en lui faisant le dénombrement de tous les peuples soumis à son empire. Mais, comme il ne put le persuader, le second conseil qu’il lui donna, ce fut de songer à se rendre maître de la mer, ajoutant qu’il n’y avait que ce seul moyen pour réussir dans son entreprise ; car il n’ignorait pas que les forces de Milet étaient peu considérables, mais qu’il avait tout lieu d’espérer l’empire de la mer, s’il enlevait du temple des Branchides[1] les richesses que Crésus, roi de Lydie, y avait offertes ; qu’on les ferait servir à cet usage, et qu’on empêcherait par là les Perses de les piller. Ces richesses étaient considérables, comme je l’ai fait voir au premier livre de mon Histoire[2]. L’avis d’Hécatée ne passa point ; on n’en résolut pas moins de se révolter, et il fut décidé qu’on enverrait par mer à Myunte l’un d’entre eux, pour tâcher de se saisir des commandants de la flotte, qui était dans ce port depuis son retour de Naxos.

XXXVII. Iatragoras, qu’on avait envoyé dans ce dessein, se saisit par ruse d’Oliates, fils d’Ibanolis, tyran de Mylasses ; d’Histiée, fils de Timnès, tyran de Termère ; de Coès, fils d’Erxandre, à qui Darius avait donné Mytilène ; d’Aristagoras, fils d’Héraclide, tyran de Cyme, et de beaucoup d’autres.

Ce fut ainsi qu’Aristagoras se révolta ouvertement, et qu’il fit à Darius tout le mal qu’il put imaginer. Premièrement, il se démit en apparence de la tyrannie, et rétablit

  1. Le temple des Branchides ou d’Apollon Didyméen, comme on l’appella dans la suite, était peu éloigné de Milet, tant par terre que par mer. Il était bâti sur le promontoire Posidéium, à dix-huit stades du rivage. Le nom de Branchides venait d’une famille qui prétendait descendre de Branchus, fondateur vrai ou supposé de ce temple, et qui resta en possession du sacerdoce jusqu’au temps de Xerxès. Les anciennes maisons, en Grèce, mêlaient leur origine avec la fable, et voulaient qu’on les crût issues des dieux, afin de s’élever au-dessus du vulgaire et de s’en concilier le respect. (L.)
  2. § xcii.