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TERPSICHORE, LIVRE V.

plutôt que la rigueur du climat rend inhabitables les pays situés sous l’Ourse. Voilà ce qu’on dit de cette contrée, dont Mégabyse subjugua les côtes.

XI. Darius n’eut pas plutôt traversé l’Hellespont, qu’il se rendit à Sardes, où, s’étant rappelé le service d’Histiée de Milet et l’avis de Coès de Mitylène, il les manda en cette ville, et remit à leur choix la récompense qu’ils désiraient. Histiée, qui était déjà tyran de Milet, ne souhaitait point d’autre tyrannie[1] ; il se contenta de demander Myrcine, canton des Édoniens, où il avait intention de bâtir une ville. Quant à Coès, comme il n’était point tyran, mais simple particulier, il choisit la tyrannie de Mitylène. Ayant obtenu tous les deux ce qu’ils désiraient, ils se mirent en route.

XII. Un spectacle dont Darius fut témoin fit naître à ce prince l’envie d’ordonner à Mégabyse de transporter les Pæoniens d’Europe en Asie. Pigrès et Mastyès, tous deux Pæoniens, aspiraient à devenir tyrans de leur patrie. Dès que Darius eut repassé en Asie, ils se rendirent à Sardes avec leur sœur, qui était belle et d’une taille avantageuse ; et ayant épié l’occasion où ce prince était assis dans le faubourg des Lydiens, ils parèrent leur sœur le mieux qu’ils purent, et l’envoyèrent quérir de l’eau. Elle portait un vase sur la tête, menait un cheval par la bride, qui était entortillée autour de son bras, et filait du lin. Darius, la voyant passer, y fit d’autant plus d’attention que sa conduite était contraire aux usages des femmes de Perse, de Lydie, et même du reste de l’Asie. Cette raison la lui ayant fait remarquer, il ordonna à quelques-uns de ses gardes de la suivre, et d’observer ce qu’elle ferait de son cheval. Ils la suivirent ; elle alla à la rivière, fit boire son cheval, et, ayant rempli d’eau sa cruche, elle revint par le même chemin, sa cruche sur la tête, la bride du cheval passée autour du bras, et tournant son fuseau.

XIII. Darius, étonné du rapport de ses gardes et de ce qu’il avait vu lui-même, se la fit amener. Lorsqu’elle fut devant lui, ses frères, qui observaient tout d’un lieu voisin,

  1. La tyrannie est l’état du tyran, comme le royaume est celui du roi.