Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/348

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
349
MELPOMÈNE, LIVRE IV.

parler et à répondre avec prudence et modération : mais cette histoire est une pure invention des Grecs. Anacharsis fut donc tué, comme on vient de le dire, et il éprouva ce malheur pour avoir pratiqué des coutumes étrangères, et avoir eu commerce avec les Grecs.

LXXVIII. Bien des années après, Scylès, fils d’Ariapithès, roi des Scythes, eut le même sort. Ariapithès avait plusieurs enfants ; mais il avait eu Scylès d’une femme étrangère, de la ville d’Istrie, qui lui apprit la langue et les lettres grecques. Quelque temps après, Ariapithès fut tué en trahison par Spargapithès, roi des Agathyrses. Scylès, étant monté sur le trône, épousa Opœa, Scythe de nation, femme de son père, et dont le feu roi avait eu un fils, nommé Oricus.

Quoique Scylès fût roi des Scythes, les coutumes de la Scythie ne lui plaisaient nullement ; et il se sentait d’autant plus de goût pour celles des Grecs, qu’il y avait été instruit dès sa plus tendre enfance. Voici quelle était sa conduite : toutes les fois qu’il menait l’armée scythe vers la ville des Borysthénites, dont les habitants se disent originaires de Milet, il la laissait devant la ville, et, dès qu’il y était entré, il en faisait fermer les portes. Il quittait alors l’habit scythe, en prenait un à la grecque, et, vêtu de la sorte, il se promenait sur la place publique, sans être accompagné de gardes, ni même de toute autre personne. Pendant ce temps-là on faisait sentinelle aux portes, de peur que quelque Scythe ne l’aperçût avec cet habit. Outre plusieurs autres usages des Grecs, auxquels il se conformait, il observait aussi leurs cérémonies dans les sacrifices qu’il offrait aux dieux. Après avoir demeuré dans cette ville un mois ou même davantage, il reprenait l’habit scythe, et allait rejoindre son armée. Il pratiquait souvent la même chose. Il se fit aussi bâtir un palais à Borysthène, et y épousa une femme du pays.

LXXIX. Les destins ayant résolu sa perte, voici ce qui l’occasionna : Scylès désira de se faire initier aux mystères de Bacchus. Comme on commençait la cérémonie, et qu’on allait lui mettre entre les mains les choses sacrées, il arriva un très-grand prodige. Il avait à Borysthène un

i. 30