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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

pour les coutumes étrangères : les habitants d’une province ne veulent pas même suivre celles d’une province voisine. Mais il n’en est point dont ils aient plus d’éloignement que de celles des Grecs. Anacharsis, et Scylès après lui, en sont une preuve convaincante. Anacharsis, ayant parcouru beaucoup de pays, et montré partout une grande sagesse, s’embarqua sur l’Hellespont pour retourner dans sa patrie. Étant abordé à Cyzique dans le temps que les Cyzicéniens étaient occupés à célébrer avec beaucoup de solennité la fête de la Mère des dieux, il fit vœu, s’il retournait sain et sauf dans sa patrie, d’offrir à cette déesse des sacrifices avec les mêmes rites et cérémonies qu’il avait vu pratiquer par les Cyzicéniens, et d’instituer, en son honneur, la veillée de la fête. Lorsqu’il fut arrivé dans l’Hylée, contrée de la Scythie entièrement couverte d’arbres de toute espèce et située près de la Course d’Achille, il célébra la fête en l’honneur de la déesse, ayant de petites statues attachées sur lui, et tenant à la main un tambourin. Il fut aperçu en cet état par un Scythe, qui alla le dénoncer au roi Saulius. Le roi, s’étant lui-même transporté sur les lieux, n’eut pas plutôt vu Anacharsis occupé à la célébration de cette fête, qu’il le tua d’un coup de flèche ; et même encore aujourd’hui, si l’on parle d’Anacharsis aux Scythes, ils font semblant de ne le point connaître, parce qu’il avait voyagé en Grèce, et qu’il observait des usages étrangers. J’ai ouï dire à Timnès, tuteur d’Ariapithès, qu’Anacharsis était oncle paternel d’Idanthyrse, roi des Scythes ; qu’il était fils de Gnurus, petit-fils de Lycus, et arrière-petit-fils de Spargapithès. Si donc Anacharsis était de cette maison, il est certain qu’il fut tué par son propre frère. Idanthyrse était en effet fils de Saulius, et ce fut Saulius qui tua Anacharsis.

LXXVII. Cependant j’en ai entendu parler autrement à des Péloponnésiens. Ils disent qu’Anacharsis, ayant été envoyé par le roi des Scythes dans les pays étrangers, devint disciple des Grecs ; qu’étant de retour dans sa patrie, il dit au prince qui l’avait envoyé que tous les peuples de la Grèce s’appliquaient aux sciences et aux arts, excepté les Lacédémoniens ; mais que ceux-ci seuls s’étudiaient à