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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

contractants y versent de leur sang en se faisant de légères incisions au corps avec un couteau ou une épée ; après quoi ils trempent dans cette coupe un cimeterre, des flèches, une hache et un javelot. Ces cérémonies achevées, ils prononcent une longue formule de prières, et boivent ensuite une partie de ce qui est dans la coupe, et, après eux, les personnes les plus distinguées de leur suite[1].

LXXI. Les tombeaux de leurs rois sont dans le pays des Gerrhes, où le Borysthène commence à être navigable. Quand le roi vient à mourir, ils font en cet endroit une grande fosse carrée. Cette fosse achevée, ils enduisent le corps de cire, lui fendent le ventre, et, après l’avoir nettoyé et rempli de souchet broyé, de parfums, de graine d’ache et d’anis, ils le recousent. On porte ensuite le corps sur un char dans une autre province, dont les habitants se coupent, comme les Scythes royaux, un peu de l’oreille, se rasent les cheveux autour de la tête, se font des incisions aux bras, se déchirent le front et le nez, et se passent des flèches à travers la main gauche. De là on porte le corps du roi sur un char dans une autre province de ses États, et les habitants de celle où il a été porté d’abord suivent le convoi. Quand on lui a fait parcourir toutes les provinces et toutes les nations soumises a son obéissance, il arrive dans le pays des Gerrhes, à l’extrémité de la Scythie, et on le place dans le lieu de sa sépulture, sur un lit de verdure et de feuilles entassées. On plante ensuite autour du corps des piques, et on pose par-dessus des pièces de bois, qu’on couvre de branches de saule. On met dans l’espace vide de cette fosse une des concubines du roi, qu’on a étranglée auparavant, son échanson, son cuisinier, son écuyer, son ministre, un de ses serviteurs, des chevaux ; en un mot, les prémices du reste de toutes les choses à son usage, et des

  1. Lorsque Henri iii entra en Pologne pour prendre possession de ce royaume, il trouva à son arrivée trente mille chevaux rangés en bataille. Le général, s’approchant de lui, tire son sabre, s’en pique le bras, et recueillant dans sa main le sang qui coulait de la blessure, il le but, en lui disant : Seigneur, malheur à celui de nous qui n’est pas prêt à verser pour votre service tout ce qu’il a dans les veines ! c’est pour cela que je ne veux rien perdre du mien. (L.)