Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/312

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
THALIE, LIVRE III.

pour donner un assaut général. Mais surtout placez-moi les Perses aux portes Bélides et Cissiennes. Je ne doute point que les Babyloniens, témoins de mes grandes actions, ne me confient entre autres choses les clefs de ces portes : alors nous aurons soin, les Perses et moi, de faire ce qu’il faudra. »

CLVI. Ce discours achevé, il s’enfuit vers les portes de la ville, se retournant de temps en temps, comme s’il eût été un véritable transfuge. Ceux qui étaient en sentinelle sur les tours, l’ayant aperçu, descendirent promptement ; et, ayant entr’ouvert un guichet de la porte, ils lui demandèrent qui il était et ce qu’il venait chercher. Il leur répondit qu’il était Zopyre, et qu’il venait se rendre aux Babyloniens. Sur cette déclaration, les gardes de la porte le conduisirent à l’assemblée de la nation. Lorsqu’il fut arrivé, il se mit à déplorer son malheur : il attribua à Darius le traitement qu’il s’était fait, et leur dit que ce prince l’avait mis en cet état parce que, ne voyant nulle apparence de forcer la place, il lui avait conseillé d’en lever le siége. « Maintenant donc, leur dit-il, je viens vers vous, ô Babyloniens, et pour votre plus grand avantage, et pour le plus grand malheur de Darius, de son armée et des Perses. Tous ses projets me sont connus ; il ne m’aura point ainsi mutilé impunément. »

CLVII. Les Babyloniens, voyant un Perse de la première qualité le nez et les oreilles coupés, le corps déchiré de coups et tout en sang, crurent qu’il disait vrai, et qu’il venait les secourir. Ils étaient disposés à lui accorder tout ce qu’il souhaitait. Il leur demanda des troupes ; on lui en donna, et il fit tout ce dont il était convenu avec le roi.

Le dixième jour après son arrivée, il sortit à la tête des troupes dont les Babyloniens lui avaient confié le commandement, et, ayant investi dans leur poste les premiers mille hommes que Darius avait envoyés par son conseil, il les tailla en pièces. Les Babyloniens, ayant reconnu que ses actions répondaient à ses discours, en témoignèrent une grande joie, et n’en furent que plus disposés à lui obéir en tout.

Zopyre laissa passer le nombre de jours dont il était convenu avec Darius ; et, s’étant mis à la tête de l’élite des

i. 27