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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

en Italie, et abordèrent à Tarente. Aristophilides, roi de ce pays, fit ôter, par bonté pour Démocèdes, le gouvernail des vaisseaux des Mèdes[1], et arrêter en même temps les Perses comme espions. Tandis qu’on les tenait en prison, Démocèdes se retira à Crotone. Lorsqu’il fut arrivé chez lui, Aristophilides relâcha les Perses, et leur rendit ce qu’il avait fait enlever de leurs vaisseaux.

CXXXVII. Les Perses, ayant remis à la voile, poursuivirent Démocèdes, et arrivèrent à Crotone. Ils l’arrêtèrent dans la place publique, où ils le rencontrèrent. La crainte de la puissance des Perses avait disposé une partie des Crotoniates à le leur remettre ; mais d’autres l’arrachèrent de leurs mains, et les repoussèrent à coups de bâtons. « Crotoniates, leur disaient les Perses, prenez garde à ce que vous faites : celui que vous nous enlevez est un esclave fugitif ; il appartient au roi. Pensez-vous donc que Darius souffre impunément une telle insulte, et que vous vous trouviez bien de nous avoir arraché Démocèdes ? car enfin votre ville ne sera-t-elle pas la première que nous attaquerons, et que nous tâcherons de réduire en servitude ? »

Ces menaces furent inutiles. Les Crotoniates, sans y avoir égard, leur enlevèrent non-seulement Démocèdes, mais encore le vaisseau de charge, qu’ils avaient amené avec eux. Les Perses, privés de leur guide, retournèrent en Asie, sans chercher à pénétrer plus avant dans la Grèce pour reconnaître le pays.

Démocèdes, à leur départ, leur enjoignit de dire à Darius qu’il était fiancé avec la fille de Milon. Le nom de ce lutteur était alors fort connu à la cour de Perse. Pour moi, je pense qu’il hâta ce mariage, et qu’il y dépensa de grandes sommes, afin de faire voir à Darius qu’il jouissait aussi dans sa patrie d’une grande considération.

CXXXVIII. Les Perses ayant levé l’ancre, les vents les écartèrent de leur route, et les poussèrent en Iapygie, où on les fit prisonniers. Mais Gillus, banni de Tarente, les

  1. Pour bien entendre ce passage, il faut se rappeler que les Grecs désignaient fréquemment les Perses sous le nom de Mèdes, quoique les Mèdes fussent des peuples auxquels les Perses avaient enlevé l’empire. (Miot.)