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THALIE, LIVRE III.

mille Perses, et son gouvernement comprenait la Phrygie, la Lydie et l’Ionie. Voici ce qu’il imagina.

Il convoqua les Perses les plus qualifiés. « Perses, leur dit-il, qui d’entre vous me promettra d’exécuter une chose où il ne s’agit que d’habileté, et où il n’est pas nécessaire d’employer la force et le grand nombre ? car la violence est inutile quand il ne faut que de l’adresse. Qui d’entre vous tuera Orétès ou me l’amènera vif, lui qui n’a jamais rendu aucun service aux Perses, et qui a commis plusieurs crimes ? Il a fait périr deux d’entre nous, Mitrobates et son fils ; et, non content de cela, il a fait assassiner tous les courriers que je lui envoyais pour lui ordonner de se rendre auprès de moi. C’est une insulte qu’on ne peut supporter. Prévenons par sa mort des maux encore plus grands qu’il pourrait faire aux Perses. »

CXXVIII. Sur cette proposition, trente Perses promirent, à l’envi l’un de l’autre, de le servir. Pour terminer leurs contestations, Darius ordonna que le sort en déciderait. On tira donc ; et le sort étant tombé sur Bagéus, fils d’Artontès, voici comment il s’y prit. Il écrivit plusieurs lettres sur différentes affaires, les scella du sceau de Darius, et partit pour Sardes avec ces dépêches. Aussitôt qu’il y fut arrivé, il alla trouver Orétès, et donna les lettres, l’une après l’autre, au secrétaire du roi, pour en faire la lecture : car tous les gouverneurs de province ont auprès d’eux des secrétaires du roi. En donnant ces lettres, Bagéus avait intention de sonder les gardes du gouverneur, pour voir s’ils seraient disposés à l’abandonner. Ayant remarqué qu’ils avaient beaucoup de respect pour ces lettres, et encore plus pour les ordres qu’elles contenaient, il en donna une autre, conçue en ces termes : « Perses, le roi Darius vous défend de servir désormais de gardes à Orétès. » Là-dessus, ils mirent sur-le-champ bas leurs piques. Bagéus, encouragé par leur soumission, mit entre les mains du secrétaire la dernière lettre, ainsi conçue : « Le roi Darius ordonne aux Perses qui sont à Sardes de tuer Orétès. » Aussitôt les gardes tirent leurs cimeterres, et tuent le gouverneur sur la place. Ce fut ainsi