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THALIE, LIVRE III.

qui, dans tout le reste, ressemblent parfaitement aux autres hommes, c’est une de ces choses que je ne puis me persuader. Quoi qu’il en soit, il paraît que les extrémités de la terre possèdent ce que nous estimons de plus beau et de plus rare.

CXVII. Il y a, en Asie, une plaine environnée de tous côtés d’une montagne qui a cinq ouvertures. Cette plaine appartenait autrefois aux Chorasmiens. Elle est située sur les frontières de ce même peuple ; sur celles des Hyrcaniens, des Parthes, des Sarangéens et des Thamanéens ; mais, depuis que les Perses sont en possession de la puissance souveraine, elle appartient au roi.

De cette montagne, qui renferme la plaine en question, coule un grand fleuve appelé Acès. Il prenait autrefois son cours par chacune des cinq ouvertures, se distribuait de tous côtés, et arrosait les terres des peuples dont je viens de parler. Mais, depuis qu’ils sont tous sous la domination des Perses, voici ce qui leur est arrivé. Le roi a fait faire, à chacune des ouvertures de la montagne, des portes ou écluses ; l’eau ne trouvant plus d’issue, et se répandant toujours dans la plaine qui est entre les montagnes, en a fait une vaste mer. Ces peuples ne pouvant plus se servir de ces eaux, dont ils faisaient usage auparavant, se trouvent exposés à de fâcheux accidents. Il est vrai qu’en hiver il pleut[1] chez eux comme chez les autres nations ; mais en été ils ont besoin d’eau lorsqu’ils sèment le panis et le sésame, et elle leur manque. Voyant donc qu’on ne leur en donne point, ils vont avec leurs femmes trouver les Perses ; et, se tenant aux portes du palais du roi, ils poussent des cris lamentables. Alors le roi ordonne de lâcher les écluses du côté de ceux qui ont le plus besoin d’eau. Lorsque leurs terres sont suffisamment abreuvées, on referme les écluses. Il vient ensuite un ordre de les ouvrir pour ceux dont les besoins sont les plus pressants. Mais, comme je

  1. Il y a dans le grec : En hiver le dieu (Jupiter) pleut ; telle était l’expression ordinaire. Τί γὰρ ὁ Ζεὺς ποιεῖ ; quel temps fait-il ? (Aristoph., Av., 1501.) Χῶ Ζεὺς ἄλλοκα μὲν πέλει αἴθριος, ἄλλοκα δ’ὕει ; tantôt il pleut, et tantôt il fait beau. (Théocrit., Idyll., iv, vers 43).

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