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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

cette réponse avant qu’elle eût été justifiée par l’événement. Ce fut ainsi que les Mermnades s’emparèrent de la couronne, et qu’ils l’enlevèrent aux Héraclides.

XIV. Gygès, maître de la Lydie, envoya beaucoup d’offrandes à Delphes, dont une très-grande partie était en argent ; il y ajouta quantité de vases d’or, et entre autres six cratères d’or du poids de trente talents[1], présent dont la mémoire mérite surtout d’être conservée. Ces offrandes sont dans le trésor des Corinthiens, quoique, à dire vrai, ce trésor ne soit point à la république de Corinthe, mais à Cypsélus[2], fils d’Éétion. Gygès est, après Midas, fils de Gordius, roi de Phrygie, le premier des Barbares que nous connaissions qui ait envoyé des offrandes à Delphes. Midas avait fait présent à ce temple du trône sur lequel il avait coutume de rendre la justice : cet ouvrage mérite d’être vu ; il est placé dans le même endroit où sont les cratères de Gygès. Au reste, les habitants de Delphes appellent ces offrandes en or et en argent gygadas, du nom de celui qui les a faites.

Lorsque ce prince se vit maître du royaume, il entreprit une expédition contre les villes de Milet et de Smyrne, et prit celle de Colophon. Mais, comme il ne fit rien autre chose de mémorable pendant un règne de trente-huit ans, nous nous contenterons d’avoir rapporté ces faits, et n’en parlerons pas davantage.

XV. Passons à son fils Ardys. Ce prince lui succéda ; il subjugua ceux de Priène, et entra avec une armée dans le territoire de Milet. Sous son règne, les Cimmériens, chassés de leur pays par les Scythes nomades, vinrent en Asie, et prirent Sardes, excepté la citadelle.

  1. La valeur d’un talent d’argent étant de 5 400 liv., selon l’évaluation qu’en a faite le savant abbé Barthélemy, les 300 talents valent 2 106 000 liv. de notre monnaie. Gygès et Crésus tiraient leurs richesses de certaines mines de Lydie, qui étaient entre l’Atarnée et Pergame. Les richesses de Gygès avaient passé en proverbe. (L.)
  2. Il y avait dans le temple de Delphes des espèces de chapelles ou salles qui appartenaient à différentes villes, à des rois, ou même à de riches particuliers. Les offrandes qu’ils faisaient au dieu se déposaient dans ces chapelles. On voit alors ce que c’est que ce trésor des Corinthiens et de Cypsélus. Ce que dit Plutarque de la maison que ce prince fit bâtir à Delphes doit s’entendre de cette chapelle. (L.)