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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

lui, à qui les Perses firent ces outrages, pensant que ce fût celui de ce prince : car on dit qu’Amasis, ayant appris d’un oracle ce qui devait lui arriver après sa mort, crut remédier aux événements qui devaient arriver, en faisant placer dans l’intérieur de son monument, et près des portes, le corps de celui que Cambyse fit maltraiter, et en ordonnant à son fils de mettre le sien au fond du même tombeau. Mais je ne puis absolument me persuader qu’Amasis ait jamais donné de pareils ordres, tant au sujet de sa sépulture qu’à l’égard de cet homme, et j’attribue cette histoire à la vanité des Égyptiens, qui ont voulu embellir ces choses.

XVII. Cambyse résolut ensuite de faire la guerre à trois nations différentes, aux Carthaginois, aux Ammoniens et aux Éthiopiens-Macrobiens, qui habitent en Libye vers la mer Australe. Après avoir délibéré sur ces expéditions, il fut d’avis d’envoyer son armée navale contre les Carthaginois, un détachement de ses troupes de terre contre les Ammoniens, et d’envoyer d’abord des espions chez les Éthiopiens, qui, sous prétexte de porter des présents au roi, s’assureraient de l’existence de la Table du Soleil, et examineraient, outre cela, ce qui restait à voir dans le pays.

XVIII. Voici en quoi consiste la Table du Soleil. Il y a devant la ville une prairie remplie de viandes bouillies de toutes sortes d’animaux à quatre pieds, que les magistrats ont soin d’y faire porter la nuit. Lorsque le jour paraît, chacun est le maître d’y venir prendre son repas. Les habitants disent que la terre produit d’elle-même toutes ces viandes. Voilà ce qu’on appelle la Table du Soleil.

XIX. Cambyse n’eut pas plutôt résolu d’envoyer des espions dans ce pays, qu’il manda, de la ville d’Éléphantine, des Ichtyophages qui savaient la langue éthiopienne. Pendant qu’on était allé les chercher, il ordonna à son armée navale d’aller à Carthage ; mais les Phéniciens refusèrent d’obéir, parce qu’ils étaient liés avec les Carthaginois par les plus grands serments, et qu’en combattant contre leurs propres enfants, ils auraient cru violer les droits du sang et de la religion. Sur le refus des Phéniciens, le reste de la flotte ne s’étant point trouvé assez fort