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EUTERPE, LIVRE II.

Delphes, et il fut brûlé. Les Amphictyons ayant fait marché à trois cents talents[1] pour bâtir le temple actuel, les Delphiens, taxés à la quatrième partie de cette somme, firent une quête de ville en ville, et en rapportèrent de grands présents. Ceux qu’ils reçurent en Égypte ne furent pas les moins considérables. Amasis leur donna mille talents d’alun, et les Grecs établis en Égypte leur en donnèrent vingt mines.

CLXXXI. Ce prince contracta amitié avec les Cyrénéens, et fit avec eux une alliance offensive et défensive ; il résolut aussi de prendre une femme de leur ville, soit qu’il eût du goût pour les Grecs, soit qu’il voulût donner aux Cyrénéens ce témoignage de son affection. Il épousa Ladicé, que les uns disent fille de Battus, fils d’Arcésilas ; les autres, de Critobule, homme distingué parmi ses concitoyens. Amasis n’était point homme pour elle, quoiqu’il le fût pour les autres femmes. Cet état ayant duré un temps assez considérable : Ladicé, lui dit-il, vous avez employé des charmes contre moi ; mais sachez que rien ne peut vous soustraire à la mort la plus cruelle qu’on puisse faire souffrir à une femme. Quelque chose que pût dire cette princesse, Amasis ne s’apaisa point. Elle eut recours à Vénus, et fit vœu, dans son temple, de lui envoyer une statue à Cyrène, si la nuit suivante Amasis pouvait être content. C’était en effet le remède au malheur dont elle était menacée. Aussitôt qu’elle eut fait ce vœu, Amasis fut heureux avec elle, et son bonheur ne fut jamais interrompu ; aussi l’aima-t-il tendrement. Ladicé accomplit son vœu ; elle fit faire une statue, et l’envoya à Cyrène, où elle subsiste encore à présent ; elle regarde le dehors de la ville. Cambyse s’étant rendu maître de l’Égypte, et ayant appris de cette princesse elle-même qui elle était, il la renvoya à Cyrène sans lui faire aucun mal.

CLXXXII. Amasis fit aussi en Grèce plusieurs offrandes : il envoya à Cyrène une statue dorée de Minerve, avec son portrait ; à Minerve de la ville de Linde, deux statues de pierre, et un corselet de lin qui mérite d’être vu ; au

  1. Les 300 talents font la somme de 1 620 000 liv. de notre monnaie, somme prodigieuse en ce temps-là.