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EUTERPE, LIVRE II.

CXVII. Ces vers du poëte, et principalement les deux derniers, prouvent que les Cypriaques[1] ne sont pas d’Homère, mais de quelque autre ; car on lit dans ce poëme qu’Alexandre, profitant de la tranquillité de la mer et d’un vent favorable, arriva à Troie avec Hélène, trois jours après son départ de Sparte ; au lieu qu’Homère dit dans l’Iliade qu’en revenant avec elle il erra longtemps. Mais en voilà assez sur Homère et les vers cypriaques.

CXVIII. Je demandai ensuite aux prêtres si ce que les Grecs racontaient de la guerre de Troie devait être mis au rang des fables : ils me répondirent qu’ils s’en étaient informés à Ménélas lui-même, et voici ce qu’il leur en avait appris : Après l’enlèvement d’Hélène, une nombreuse armée de Grecs passa dans la Teucride pour venger l’outrage fait à Ménélas. Sortis de leurs vaisseaux, ils n’eurent pas plutôt assis leur camp, qu’ils envoyèrent à Ilion des ambassadeurs, au nombre desquels était Ménélas. Ces ambassadeurs, étant entrés dans la ville, demandèrent Hélène, ainsi que les richesses qu’Alexandre avait enlevées furtivement ; et ils exigèrent une réparation de cette injustice. Les Teucriens les assurèrent alors et dans la suite, sans serment et même avec serment, qu’ils n’avaient ni Hélène, ni les trésors qu’on les accusait d’avoir enlevés ; que tout ce qu’on leur demandait était en Égypte, et qu’on avait tort de les poursuivre pour des choses que retenait Protée, roi de ce pays : mais les Grecs, s’imaginant qu’ils se moquaient d’eux, firent le siége de Troie, et le continuèrent jusqu’à ce qu’ils se fussent rendus maîtres de cette ville. Quand ils l’eurent prise, Hélène ne s’y étant point trouvée, et les Troyens leur tenant toujours le même langage, ils ne doutèrent plus de ce qu’on leur avait dit dès le commencement ; et ils envoyèrent Ménélas lui-même vers Protée.

CXIX. Ménélas, étant arrivé en Égypte, remonta le Nil

  1. Le sujet de ce poème était la guerre de Troie, depuis la naissance d’Hélène. Vénus avait fait naître cette princesse, afin de pouvoir promettre à Paris une beauté accomplie ; et Jupiter avait consenti à sa naissance par le conseil de Momus, afin de détruire de nouveau le genre humain par la guerre de Troie, qui devait s’élever à son occasion. Comme l’auteur de ce poëme rapportait tous les événements de cette guerre à Vénus, déesse de Cypre, cet ouvrage en a tiré son nom. (L.)