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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

gueule ouverte : le trochilus, entrant alors dans sa gueule, y mange les sangsues ; et le crocodile prend tant de plaisir à se sentir soulagé, qu’il ne lui fait point de mal.

LXIX. Une partie des Égyptiens regardent les crocodiles comme des animaux sacrés ; mais d’autres leur font la guerre. Ceux qui habitent aux environs de Thèbes et du lac Mœris ont pour eux beaucoup de vénération. Les uns et les autres en choisissent un qu’ils élèvent, et qu’ils instruisent à se laisser toucher avec la main. On lui met des pendants d’oreilles d’or ou de pierre factice, et on lui attache aux pieds de devant de petites chaînes ou bracelets. On le nourrit avec la chair des victimes, et on lui donne d’autres aliments prescrits. Tant qu’il vit, on en prend le plus grand soin ; quand il meurt, on l’embaume, et on le met dans une caisse sacrée. Ceux d’Éléphantine et des environs ne regardent point les crocodiles comme sacrés, et même ils ne se font aucun scrupule d’en manger. Ces animaux s’appellent champses. Les Ioniens leur ont donné le nom de crocodiles, parce qu’ils leur ont trouvé de la ressemblance avec ces crocodiles ou lézards que chez eux on rencontre dans les haies.

LXX. Il y a différentes manières de les prendre. Je ne parlerai que de celle qui paraît mériter le plus d’être rapportée. On attache une partie du dos d’un porc à un hameçon, qu’on laisse aller au milieu du fleuve afin d’amorcer le crocodile. On se place sur le bord de la rivière, et l’on prend un cochon de lait en vie, qu’on bat pour le faire crier. Le crocodile s’approche du côté où il entend ces cris, et, rencontrant en son chemin le morceau de porc, il l’avale. Le pêcheur le tire à lui, et la première chose qu’il fait après l’avoir mis à terre, c’est de lui couvrir les yeux de boue. Par ce moyen il en vient facilement à bout ; autrement il aurait beaucoup de peine.

LXXI. Les hippopotames qu’on trouve dans le nome Paprémite sont sacrés ; mais dans le reste de l’Égypte on n’a pas pour eux les mêmes égards. Voici quelle en est la nature et la forme : cet animal est quadrupède ; il a les pieds fourchus, la corne du pied comme le bœuf, le museau plat et retroussé, les dents saillantes, la crinière, la