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EUTERPE, LIVRE II.

qu’ils ont toujours. Ils se font circoncire par principe de propreté, parce qu’ils en font plus de cas que de la beauté.

Les prêtres se rasent le corps entier tous les trois jours, afin qu’il ne s’engendre ni vermine, ni aucune autre ordure sur des hommes qui servent les dieux. Ils ne portent qu’une robe de lin et des souliers de byblus. Il ne leur est pas permis d’avoir d’autre habit ni d’autre chaussure. Ils se lavent deux fois par jour dans de l’eau froide, et autant de fois toutes les nuits ; en un mot, ils ont mille pratiques religieuses qu’ils observent régulièrement.

Ils jouissent, en récompense, de grands avantages. Ils ne dépensent ni ne consomment rien de leurs biens propres[1]. Chacun d’eux a sa portion des viandes sacrées, qu’on leur donne cuites ; et même on leur distribue chaque jour une grande quantité de chair de bœuf et d’oie. On leur donne aussi du vin de vigne[2] ; mais il ne leur est pas permis de manger du poisson[3].

Les Égyptiens ne sèment jamais de fèves dans leurs

  1. L’Égypte était partagée en trois parties. La première appartenait à l’ordre sacerdotal, et servait aux sacrifices et à l’entretien des ministres des temples. Elle était aussi exempte de toute sorte d’impôts. Ce fut Isis qui donna aux prêtres le tiers de son royaume, pour les engager à déférer les honneurs divins à son époux Osiris après sa mort. Mais Moïse, beaucoup plus croyable que Diodore de Sicile, nous apprend qu’ils tenaient ces terres de la libéralité de leur souverain. Lorsque Pharaon, roi d’Égypte, s’empara de l’argent, du bétail et des terres de ses sujets, par le conseil de Joseph, qu’il avait fait son ministre, et qui avait épousé la fille du grand prêtre du Soleil, il ne toucha point aux possessions des prêtres, et on leur fournit du blé en abondance. (L.)
  2. Il y avait plusieurs sortes de vins : le vin de vigne, et le vin d’orge ou la bière. Le vin de vigne était très-rare en Égypte avant Psammitichus.
  3. Le neuvième du premier mois, tandis que les Égyptiens mangeaient chacun devant sa porte un poisson cuit, les prêtres, au lieu d’en manger, en brûlaient devant la leur. Ils en apportaient deux raisons : l’une sacrée et subtile, qui s’accorde avec leur théologie au sujet d’Osiris et de Typhon ; l’autre, qui est claire et manifeste, c’est que le poisson est un aliment superflu. Mais la vraie raison, c’est que la chair de poisson irrite toutes les maladies qui ont rapport avec l’éléphantiase, et que les prêtres, qui prenaient toutes les précautions imaginables pour se garantir de cette maladie, n’osaient manger d’aucune espèce de poisson, de crainte d’en prendre le germe. Mais, quelle que puisse être la cause de cette aversion, le poisson était, chez les Égyptiens, le symbole de la haine. Les pythagoriciens, qui avaient pris en Égypte leurs dogmes, avaient les poissons encore plus en aversion que les autres nourritures animales. (L.)