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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

gèrent des fruits que ces arbres portaient. Tandis qu’ils en mangeaient, de petits hommes[1], d’une taille au-dessous de la moyenne, fondirent sûr eux, et les emmenèrent par force. Les Nasamons n’entendaient point leur langue, et ces petits hommes ne comprenaient rien à celle des Nasamons. On les mena par des lieux marécageux ; après les avoir traversés, ils arrivèrent à une ville dont tous les habitants étaient noirs, et de la même taille que ceux qui les y avaient conduits. Une grande rivière[2], dans laquelle il y avait des crocodiles, coulait le long de cette ville de l’ouest à l’est.

XXXIII. Je me suis contenté de rapporter jusqu’à présent le discours d’Étéarque. Ce prince ajoutait cependant, comme m’en assurèrent les Cyrénéens, que les Nasamons étaient retournés dans leur patrie, et que les hommes chez qui ils avaient été étaient tous des enchanteurs. Quant au fleuve qui passait le long de cette ville, Etéarque conjecturait que c’était le Nil, et la raison le veut ainsi ; car le Nil vient de la Libye, et la coupe par le milieu ; et s’il est permis de tirer des choses connues des conjectures sur les inconnues, je pense qu’il part des mêmes points que l’Ister. Ce dernier fleuve commence en effet dans le pays des Celtes, auprès de la ville de Pyrène, et traverse l’Europe par le milieu. Les Celtes sont au delà des colonnes d’Hercule, et touchent aux Cynésiens, qui sont les derniers peuples de l’Europe du côté du couchant. L’Ister se jette dans le Pont-Euxin à l’endroit où sont les Istriens, colonie de Milet[3].

  1. Ce récit est confirmé par les relations des voyageurs modernes. « Vis-à-vis le trône du roi (de Loango) sont assis quelques nains, le dos tourné vers lui… Les nègres du pays assurent qu’il y a dans l’intérieur des terres une grande contrée qui n’est habitée que par des hommes de cette taille, et que leur unique occupation est de tuer des éléphants. » Histoire générale des voyages, t. iv, p. 601 ; voyez aussi Voyage aux sources de Sénégal et de la Gambie, par Mollien, t. ii, p. 209.
  2. Cette grande rivière est probablement le Niger. Voyez le Voyage aux sources de la Gambie, par Mollien, t. i, p. 219.
  3. L’Ister est le nom ancien du Danube. Hérodote, comme on voit, avait une idée assez juste de son cours et de son embouchure. Quant aux autres indications, elles sont peu exactes ; et l’on ne doit pas s’en étonner, car alors l’Asie avait peu de relations avec l’Europe. (Miot.)