Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 1, 1850.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
EUTERPE, LIVRE II.

choses dans les entretiens que j’eus avec les prêtres de Vulcain ; mais comme les habitants d’Héliopolis passent pour les plus habiles de tous les Égyptiens, je me rendis ensuite en cette ville, ainsi qu’à Thèbes, pour voir si leurs discours s’accorderaient avec ceux des prêtres de Memphis. De tout ce qu’ils me racontèrent concernant les choses divines, je ne rapporterai que les noms des dieux, étant persuadé que tous les hommes en ont une égale connaissance ; et si je dis quelque chose sur la religion, ce ne sera qu’autant que je m’y verrai forcé par la suite de mon discours.

IV. Quant aux choses humaines, ils me dirent tous unanimement que les Égyptiens avaient inventé les premiers l’année, et qu’ils l’avaient distribuée en douze parties, d’après la connaissance qu’ils avaient des astres. Ils me paraissent en cela beaucoup plus habiles que les Grecs, qui, pour conserver l’ordre des saisons, ajoutent au commencement de la troisième année un mois intercalaire ; au lieu que les Égyptiens font chaque mois de trente jours, et que tous les ans ils ajoutent à leur année cinq jours surnuméraires, au moyen de quoi les saisons reviennent toujours au même point. Ils me dirent aussi que les Égyptiens s’étaient servis les premiers des noms des douze dieux, et que les Grecs tenaient d’eux ces noms ; qu’ils avaient les premiers élevé aux dieux des autels, des statues et des temples, et qu’ils avaient les premiers gravé sur la pierre des figures d’animaux ; et ils m’apportèrent des preuves sensibles que la plupart de ces choses s’étaient passées de la sorte. Ils ajoutèrent que Ménès[1] fut le premier homme qui eût régné en Égypte ; que de son temps toute l’Égypte, à l’exception du nome Thébaïque, n’était qu’un marais ; qu’alors il ne paraissait rien de toutes les terres

  1. Diodore de Sicile s’accorde avec Hérodote, en faisant régner Ménès en Égypte tout de suite après les dieux et les héros ; et c’est la raison pour laquelle notre historien dit qu’il fut le premier des hommes. Si l’on admet la chronologie égyptienne, l’époque où il est monté sur le trône remonte beaucoup plus haut que la création du monde, selon les systèmes des Hébreux ; car Mœris est mort en 4356 avant notre ère. Or il y avait eu, depuis et compris Ménès, trois cent trente générations jusqu’à Mœris : ce qui fait, selon le calcul d’Hérodote, onze mille ans, c’est-à-dire 12 356 ans avant notre ère. (L.)