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cela n’exclut pas l’élégance, mais seulement ces monceaux de soie, de dentelles qui traînent dans la poussière du macadam ; mais ces diamants, ces pierres précieuses qui font la fortune de quelques-uns aux dépens, de la moralité de beaucoup d’autres, et qui ne sont que des capitaux enfouis, dont la mobilisation ferait grand bien. Ne te laisse pas prendre à ce sophisme : il faut que les honnêtes femmes se parent pour empêcher les hommes de passer leur temps avec les filles de joie. Ne serais-tu pas honteuse de lutter de toilette avec des femmes que tu n’estimes pas ; et l’homme qui serait retenu par de semblables moyens, en vaudrait-il la peine ?

Je t’ai instruite de ta situation légale comme épouse, mère, et propriétaire ; je te marie sous le régime de la séparation de biens pour épargner à ton mari la tentation de se considérer comme ton maître ; pour qu’il soit obligé de prendre ton avis, et de voir en toi son associée. Malgré ces précautions, tu seras mineure, puisque la loi le veut ainsi. Mais notre loi n’est pas la Raison : n’oublie jamais que tu es une créature humaine, c’est à dire un être doué, comme ton mari, d’intelligence, de sentiments, de libre arbitre, de volonté ; que tu ne dois de soumission qu’à la Raison et à ta conscience ; que s’il est de ton devoir de faire des sacrifices à la paix dans les petites choses, et de tolérer les défauts de ton mari, comme il doit tolérer les tiens, il n’est pas moins de ton devoir de résister résolument à un brutal : je le veux !

Tu seras mère, je l’espère ; nourris toi-même tes enfants ; élève-les dans les principes de Droit et de Devoir que j’ai déposés dans ton intelligence et dans ton cœur, afin d’en faire, non