Page:Héricourt - La Femme affranchie.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pourquoi la Société ne reconnaît-elle pas les vœux et n’en poursuit-elle pas la violation, si ce n’est parce qu’elle reconnaît qu’il lui est interdit, à elle, de pénétrer dans le for intérieur ? Si ce n’est parce qu’elle n’admet pas qu’un individu puisse aliéner son être moral et intellectuel plus que son corps, et se vouer à l’immobilité lorsque son devoir est, au contraire, de progresser ?

Je demande alors si cette même Société n’est pas inconséquente d’exiger des époux des vœux perpétuels, d’exiger de la femme vœu d’obéissance, vœu tacite de livrer sa personne aux désirs de l’époux ?

Est-ce que la liberté morale des époux n’est pas aussi respectable que celle des religieuses, des prêtres, des moines ?

Est-ce qu’aux yeux de la nature et de la Raison, les individus mariés ont plus le droit d’aliéner leur être moral et intellectuel, leur liberté et leur personne que les gens en religion ?

Autre inconséquence de la loi : elle déclare le Mariage une Société ; l’acte de mariage est donc un acte de Société : Or, je le demande, dans un seul acte de ce genre, est-il enjoint par la loi à l’un des associés, d’obéir, de se soumettre à une minorité perpétuelle, d’être absorbé ? Je ne doute pas que la loi ne déclarât un tel acte nul entre associés libres ; pourquoi donc légitime-t-elle une telle monstruosité dans la Société des époux ? Reste de barbarie, Madame, si l’on veut bien y réfléchir.

La jeune femme. J’espère que, par raison et par nécessité, l’on réformera la loi dans un temps plus ou moins proche : mais ce qui ne sera pas réformé, ce sont les formules du Mariage religieux qui prescrivent aux époux les mêmes vœux que le Code, et soumettent, comme lui, la femme à l’homme.