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échappent aussi bieu à la notation musicale que les différences de hauteur et de timbre[1].

Ainsi rentre par degrés dans le vers moderne la considération de la quantité, qui en avait d’abord été écartée ; mais la quantité, telle que nous la concevons aujourd’hui, est variable, subordonnée à l’importance du mot et au sens de la phrase : il n’y a plus dans le vers de mot insignifiant auquel la diction assigne une durée et une intensité fixes ; seuls les mots placés à la césure et à la fin du vers se trouvent soulignés, et il est justement de règle qu’ils doivent toujours avoir de l’importance. Le rythme de l’alexandrin, bien compris et bien traité, n’est donc rien moins que monotone ; il a quelques-unes des qualités du vers antique sans en avoir les défauts. En général, les alexandrins très harmonieux se suffisent à eux-mêmes ; isolés, il gardent encore leur harmonie, comme le faisaient les vers antiques ; ils portent une marque : bien avant la rime, quelque chose les a consacrés vers. Ce qui leur donne ce

  1. Rien ne nous semble plus étrange que la notation musicale adoptée par M. Becq de Fouquières, qui représente l’alexandrin classique par vingt-quatre croches ; il se voit ainsi forcé d’introduire dans ce vers des temps de repos considérables que rien ne justifie, et qu’il supprime ensuite sans plus de raison dans sa notation du « vers romantique. » Toutes les notations possibles de l’alexandrin doivent, pour se justifier, pouvoir rentrer au besoin en deux mesures à deux temps, variées par des points d’orgue, des doubles croches, des soupirs, des virgules, des contretemps, des nuances très souvent inexprimables en signes. — Ces notations plus ou moins complexes, que nous nous contentons d’indiquer ici, font ressortir les variétés de rythme ; néanmoins elles peuvent toutes rentrer dans la notation en deux mesures à deux temps, avec de fréquents mélanges des rythmes binaires et ternaires.