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avait voulu mettre jadis l’histoire en rondeaux ; c’est d’avoir décrit


l’échelle où se mesure
L’audace du voyage au déclin du mercure (le baromètre),


c’est d’avoir parlé des « beaux yeux de la vérité » dont le savant suit l’« amorce », — des « fougueux rouleaux de fer » (les roues d’un train), — de « cette étrange nef pendue à sa voilure » (un ballon), etc. Il vaut mieux ne pas parler en vers de choses dont on n’ose pas parler simplement dans le langage de tous. Simplicité et intelligibilité, tel est le premier mérite de la vraie langue poétique. Il y a donc ici une importante distinction à faire. « Les procédés de la science, — expérimentation, analyse, raisonnement inductif et déductif, — ne peuvent par aucun moyen devenir poétiques : ce sont leurs résultats seuls qui le peuvent[1]. « La pure description n’a jamais été le plus haut genre de poésie, a fortiori la description de choses ardues, conséquemment ennuyeuses : décrire pour décrire, c’est trop souvent le contraire de penser, c’est donc l’opposé du véritable esprit philosophique et scientifique. Dans chaque nouvelle province conquise par la science, la poésie peut sans doute entrer et faire à son tour acte de possession, mais graduellement ; c’est là ce que semblent oublier plusieurs poètes contemporains qui veulent immédiatement « mettre en vers » les décou-

  1. Voir M. Shairp, On poetic interpretation of nature.