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ÉPICURE

le coup des malheurs publics et que les diverses sectes avaient été dispersées, seule florissait l’école épicurienne, où se succédait une foule pressée de disciples. L’accord des Epicuriens entre eux, dit un ancien, était semblable à celui qui doit régner dans une république bien organisée[1]. C’est qu’il n’y avait pas seulement chez eux du respect pour ce qu’ils croyaient être la vérité découverte, mais de l’enthousiasme pour le bien découvert, pour le bonheur apporté aux hommes, pour la tranquillité apportée aux âmes. Ils regardaient même la doctrine d’Epicure comme une sorte de dogme divin, qu’ils se transmettaient fidèlement sans oser rien y changer de leur propre initiative. Il serait difficile de trouver chez aucun philosophe de l’antiquité une foi plus ardente que celle de Lucrèce aux principes de son maître : il a quelque chose des prophètes sacrés, il paraît ému du sort des hommes et veut adoucir leur misère, il veut sincèrement leur enseigner les vrais moyens d’être heureux ; il semble que ce soit avec une sorte de charité qu’il révèle aux hommes la doctrine de l’égoïsme bien entendu. Après avoir été la philosophie la plus populaire de l’antiquité, le rôle de l’épicurisme ne finit pas avec l’antiquité même. Il nous reste à suivre sa trace au Moyen-Age, et surtout chez les penseurs modernes qui l’ont reconstitué et lui ont donné une vitalité nouvelle.

  1. Numen. ap. Euseb., Præpar. evang., libr. XIV, c. v, p. 727.