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LA JUSTICE ET LE CONTRAT SOCIAL

tice, Epicure s’est efforcé de prouver cette thèse qui fait le fond de toutes les doctrines utilitaires : à savoir l’identité de l’intérêt avec ce qu’on appelle vertu et devoir. Sans être des fins en elles-mêmes, les vertus sont, selon lui, des moyens infaillibles en vue de la fin suprême ; de telle sorte que, si le sage hésite parfois et se demande où est son véritable intérêt, il peut toujours marcher sans crainte dans la direction de la vertu : celle-ci va droit au bonheur, « elle y court. » Épicure formule ainsi son système de conduite, tel qu’il résulte des analyses précédentes : « La seule vertu est inséparable du plaisir, mais toutes les autres choses (par exemple les richesses, les honneurs) s’en séparent, car elles sont mortelles… On ne peut vivre heureusement si on ne vit d’une manière prudente et sage et juste ; ni vivre d’une manière prudente et sage et juste, si on ne vit heureusement[1]. » En d’autres termes, la sagesse et la justice sont une garantie de bonheur ; le bonheur est une preuve de justice et de sagesse.

  1. Ἀχώριστον τῆς ἡδονῆς τὴν ἀρετὴν μόνην, τὰ δ’ἄλλα χωρίζεσθαι, οἷον βροτά… Οὐκ ἔστιν ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως, οὐδὲ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως ἄνευ τοῦ ἡδέως. Diog. L., 138, 140.