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l’immortalité dans le naturalisme moniste.

tions. Au contraire, la plus concrète peut-être des sciences, la sociologie, voit partout des « groupements » de réalités : elle ne peut donc faire aussi bon marché ni des rapports d’association, ni des termes eux-mêmes entre lesquels ils existent. Cherchons si, à ce point de vue supérieur d’une science plus complète et plus concrète, la conscience, principe de la personnalité vraie, exclut nécessairement et exclura toujours cette possibilité de durée indéfinie que toutes les grandes religions attribuent à l’ « esprit. »


III. — L’ancienne métaphysique s’est trop préoccupée des questions de substance, se demandant si l’ « âme » est faite d’une « substance » simple ou d’une substance composée. C’était se demander si l’esprit est fait d’une sorte de matière indivisible ou divisible ; c’était prendre pour base la représentation imaginative et, en quelque sorte, étendue des opérations mentales. C’est sur cette ontologie des substances simples qu’on fondait la « démonstration de l’immortalité. » La philosophie évolutionniste tend aujourd’hui à considérer en toutes choses non la substance, mais les actions, qui, physiquement, se traduisent en mouvements[1]. La conscience est une certaine action, accompagnée d’un certain ensemble de mouvements ; existât-elle en une substance, ce n’est pas la durée de cette substance qui nous intéresserait, mais celle de son action même, puisque c’est cette action qui constituerait vraiment notre conscience.

Wundt est un des philosophes contemporains qui ont le mieux montré, après Aristote, Hume, Berkeley, Kant et Schelling, ce qu’il y a d’illusoire à chercher sous la conscience une substance simple. C’est seulement l’expé-

  1. « Celui qui dit qu’il ne peut concevoir aucune action sans un substratum avoue par là même que le substratum prétendu, que sa pensée conçoit, est un simple produit de son imagination : c’est sa propre pensée qu’il est forcé de supposer indéfiniment derrière les choses comme ayant une réalité propre. Par une pure illusion de l’imagination, après qu’on a dépouillé un objet des seuls attributs qu’il possède, on affirme que quelque chose subsiste encore, on ne sait quoi. » (Schelling, Système de l’idéalisme transcendental).

    « Être, disait aussi Berkeley, c’est être ceci ou cela. Être simplement, sans rien de plus, ce n’est rien être ; c’est une simple conception, sinon même un mot vide de sens. » — « Berkeley voulait ainsi renverser l’hypothèse d’une substance placée hors de tout esprit comme un support, non perceptible par lui-même, des qualités perceptibles aux sens. » Félix Ravaisson, la Philosophie en France, 9. — Voir aussi M. Lachelier, de l’Induction.