Page:Guyau - L’Irréligion de l’avenir.djvu/461

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
le naturalisme idéaliste.

de savoir lequel est le texte primitif et sacré. Les uns choisissent celui qui nous est fourni par la seule conscience, les autres celui que déchiffre à grand’peine la science objective. De là deux directions opposées dans toute spéculation non seulement psychologique, mais métaphysique : l’une est tournée vers le dedans, l’autre vers le dehors, l’une idéaliste, l’autre matérialiste. Mais on peut et on doit concevoir quelque unité des deux aspects : notre pensée, devant deux lignes convergentes, ne peut consentir à ne pas les prolonger jusqu’à un sommet d’angle. Il y a donc en somme trois formes du naturalisme : idéaliste, matérialiste, moniste. Ce sont là, selon nous, les vrais systèmes fondamentaux et immanents, dont le théisme, l’athéisme et le panthéisme ne sont que des dérivés transcendants.


I. — NATURALISME IDEALISTE


Si on prend les mots de pensée et d’idée en ce sens large que préféraient les Descartes et les Spinoza, et qui désignait toute la vie mentale, tout le contenu possible de la conscience, on peut appeler idéalisme le système qui ramène la réalité à la pensée, à l’existence psychique, si bien qu’être, c’est être pensé ou penser, être senti ou sentir, être voulu ou vouloir, être l’objet d’un effort ou le sujet d’un effort.

Il est clair que l’idéalisme est un des systèmes où le sentiment religieux pourra trouver une satisfaction, puisque ce sentiment rentre dans l’instinct métaphysique, et que l’instinct métaphysique sera toujours porté à retrouver en toutes choses l’esprit, la pensée, le mental, le moral. Le fond du théisme, ce par quoi il vaut, c’est ce que nous avons déjà appelé le moralisme, c’est-à-dire la croyance que la vraie force est de nature mentale et morale. Dieu n’est qu’une représentation de cette force conçue comme transcendante. Le panthéisme, de son côté, après avoir divinisé et subtilisé l’univers, après l’avoir pour ainsi dire fondu en Dieu, tend à prendre la forme d’un naturalisme idéaliste, lequel fait rentrer le dieu même ainsi conçu dans la pensée qui le conçoit, lui dénie toute existence autre que dans la pensée, par la pensée, pour la pensée. Selon la comparai-