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l’irréligion de l’avenir.

que nous les pensons et que nous agissons sur eux, que nous les rapportons ainsi à notre action et à notre pensée comme centre.


En résumé, si le besoin d’unité semble donner raison au panthéisme et, en une certaine mesure, le justifier, ce besoin ne reçoit cependant qu’une satisfaction illusoire dans les deux formes principales du panthéisme, surtout la forme mécaniste. Ou l’unité primordiale et finie reste abstraite, indéterminée, ce qui en fait une pure notion subjective ; ou elle se détermine par des attributs qui sont tout aussi humains que ceux du dieu des théistes. La volonté dont parle Schopenhauer, c’est ou la volonté humaine, ou simplement la force (qui elle-même est humaine ou animale), ou le sentiment d’effort, ou enfin une pure abstraction. De même pour la Force éternelle que M. Spencer place à l’origine du monde ; ce sont là des conceptions plus pauvres, mais non pas plus nécessairement objectives que celle du Dieu-pensée, du Dieu-esprit, du Dieu-amour,


II — LE PANTHÉISME PESSIMISTE.


Le panthéisme, après avoir commencé par l’optimisme de Spinoza, a fini par le pessimisme de Schopenhauer. C’est là sa forme la plus récente, qui d’ailleurs est elle-même fort ancienne. L’interprétation pessimiste des religions, avec la rédemption par la mort ou par le nirvâna, fait des progrès incessants, surtout en Allemagne. Pascal avait dit déjà : « De tout ce qui est sur la terre, le chrétien ne prend part qu’aux déplaisirs, non aux plaisirs. » L’Allemagne, après avoir ressuscité le bouddhisme avec Schopenhauer, de Hartmann, Bahnsen, est en train de nous donner une sorte d’édition pessimiste du christianisme, qui dépasse de beaucoup Pascal. On sait que sans le mal et le péché, il n’y aurait point de religion pour M. de Hartmann, et comme le mal est attaché à l’existence même, l’anéantissement de la vie est le seul salut possible. Bahnsen, dans sa philosophie du désespoir, aboutit à des conclusions analogues. Le représentant le plus intéressant de la nouvelle doctrine est Philipp Mainlaender, l’auteur de la philo-