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le théisme. idée de création.

l’histoire naturelle, le monde inorganique et le monde organique se sont tellement rapprochés, qu’une explication vraiment complète du premier nous donnerait sans doute le mot du second. Il n’y a plus aujourd’hui d’abîme entre la vie et ce qui la soutient, entre ce qui palpite et ce qui va palpiter. Si nos laboratoires ne peuvent nous faire prendre sur le fait la génération spontanée, c’est qu’ils ne sont pas comparables à celui de la nature, qu’ils ne disposent pas des mêmes moyen, que les êtres prétendus primitifs qu’on veut leur faire produire ne ie sont pas : les savants qui ont tenté de telles expériences ressemblaient à des darwiniens convaincus qui essaieraient de transformer en huit jours des anthropoïdes en hommes. Il y a, dans la nature, des convergences de forces infinies sur un point déterminé que ne peut réaliser aucun laboratoire. En outre, le temps est un facteur nécessaire de l’évolution des choses, que nous sommes toujours portés à négliger : ce qui est naturel est lent. Pour trouver la vie organique en voie de formation, il faut donc reculer dans le lointain des temps, comme pour trouver un astre encore à l’état de dispersion il faut sortir de notre système solaire.

Si Dieu n’est pas un moteur nécessaire, est-il le nécessaire créateur de l’être même des choses ? — Une cause créatrice semble de plus en plus, aux esprits modernes, inutile pour expliquer le monde, car l’être n’a pas besoin d’explication ; c’est plutôt le néant qui aurait besoin d’être expliqué. Néant, mort, repos, — idées toutes relatives et dérivées : il n’y a de mort que par rapport à la vie, et cette mort même n’est qu’un état provisoire, un intervalle entre deux métamorphoses. Il n’existe pas un punctum mortuum, un seul point vraiment mort dans l’univers. C’est donc par un pur artifice de la pensée que les religions ont transporté à l’origine des choses l’anéantissement, la mort, — cette conséquence lointaine de la vie, — pour faire ensuite intervenir une puissance créatrice : leur « création » est une résurrection suivant une mort fictive.

Ce n’est pas l’être qui sort du néant, c’est le néant qui est un simple aspect de l’être, ou plutôt une illusion de la pensée. Aussi renoncera-t-on toujours davantage à l’idée de création, qui sera remplacée par celle de variation et d’évolution. Les divers mondes ne sont que des variantes éternelles du même thème. Le taf, twam asi des Hindous tend à devenir une vérité scientifique. L’unité