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introduction.

mais chez un certain nombre, cette réaction est suivie, avec le temps, d’une contre-réaction : c’est seulement, comme l’a remarqué Spencer, lorsque cette contre-réaction a été suffisante, qu’on peut formuler en toute connaissance de cause des jugements moins étroits et plus compréhensifs sur la question religieuse. Tout s’élargit en nous avec le temps, comme les cercles concentriques laissés par le mouvement de la sève dans le tronc des arbres. La vie apaise comme la mort, réconcilie avec ceux qui ne pensent pas ou ne sentent pas comme nous. Quand vous vous indignez contre quelque vieux préjugé absurde, songez qu’il est le compagnon de route de l’humanité depuis dix mille ans peut-être, qu’on s’est appuyé sur lui dans les mauvais chemins, qu’il a été l’occasion de bien des joies, qu’il a vécu pour ainsi dire de la vie humaine : n’y a-t-il pas pour nous quelque chose de fraternel dans toute pensée de l’homme ?

Nous ne croyons pas que les lecteurs de ce livre sincère puissent nous accuser de partialité ou d’injustice, car nous n’avons cherché à dissimuler ni les bons ni les mauvais côtés des religions, et nous avons même pris plaisir à mettre les premiers en relief. D’autre part, on ne nous taxera sans doute pas d’ignorance à l’égard du problème religieux, patiemment étudié par nous sous toutes ses faces. Peut-être nous reprochera-t-on d’être un peu trop de notre pays, d’apporter dans les solutions la logique de l’esprit français, de cet esprit qui ne se plie pas aux demi-mesures, veut tout ou rien, n’a pu s’arrêter au protestantisme et, depuis deux siècles,