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introduction.

comme une erreur, pourvu que cette erreur soit sincère.

Il est un fanatisme antireligieux qui est presque aussi dangereux que celui des religions. Chacun sait qu’Érasme comparait l’humanité à un homme ivre hissé sur un cheval et qui, à chaque mouvement, tombe tantôt à droite, tantôt à gauche. Bien souvent les ennemis de la religion ont commis la faute de mépriser leurs adversaires : c’est la pire des fautes. Il y a dans les croyances humaines une force d’élasticité qui fait que leur résistance croît en raison de la compression qu’elles subissent. Autrefois, quand une cité était atteinte de quelque fléau, le premier soin des notables habitants, des chefs de la cité, était d’ordonner des prières publiques ; aujourd’hui qu’on connaît mieux les moyens pratiques de lutter contre les épidémies et les autres fléaux, on a vu cependant à Marseille, en 1885, au moment où le choléra existait, le conseil municipal presque uniquement occupé d’enlever les emblèmes religieux des écoles publiques : c’est un exemple remarquable de ce qu’on pourrait appeler une contre-superstition. Ainsi les deux espèces de fanatisme, religieux ou antireligieux, peuvent également distraire de l’emploi des moyens vraiment scientifiques contre les maux naturels, emploi qui est, après tout, la tâche humaine par excellence : ce sont des paralyso-moteurs dans le grand corps de l’humanité.

Chez les personnes instruites, il se produit une réaction parfois violente contre les préjugés religieux, et cette réaction persiste souvent jusqu’à la mort ;