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l’irréligion de l’avenir.

Chez nous, les Comtistes ont tenté un effort pour conserver le rite sans les croyances métaphysiques. Autant la doctrine comtiste du fétichisme renferme de vérité quand on s’en sert pour caractériser les religions primitives, autant elle est insuffisante au point de vue des religions actuelles. C’est que nos religions sont passées graduellement de la physique à la métaphysique : leurs fétiches sont aujourd’hui des symboles de la Cause suprême ou de la Fin suprême. Or le positivisme ne peut nous offrir aucun symbole de ce genre : son « Grand Fétiche » est un pur fétiche, bon pour les peuples primitifs. L’ « Humanité » ne satisfait pleinement ni l’idée de causalité ni l’idée de finalité. Au point de vue de la causalité, elle est un simple chaînon dans la grande série des phénomènes ; au point de vue de la finalité, elle constitue une fin inexacte pratiquement et insuffisante théoriquement ; elle est pratiquement inexacte, parce que la presque totalité de nos actions se rapportent à tel ou tel petit groupe humain, non à l’humanité entière ; elle est théoriquement insuffisante, parce que l’humanité nous apparaît comme peu de chose dans le grand Tout : sa vie est un point dans l’espace, un instant dans la durée ; elle constitue un idéal borné, et en somme, à regarder de haut, il est aussi vain de voir une race se prendre elle-même pour fin suprême qu’un individu. On ne contemple pas éternellement son propre nombril, et surtout on ne l’adore pas. L’amour de l’humanité, qui est la plus grande des vertus, ne saurait devenir « fétichisme » que par une absurdité. On ne peut pas espérer former une religion en alliant simplement la science positive et le sentiment aveugle : le fétichisme auquel on revient ainsi est une religion de sauvage qu’on vient proposer précisément aux hommes les plus civilisés. D’ailleurs, ce n’est pas le pur sentiment affectif que nous croyons deslnié à subsister dans l’avenir sous des formes multiples et à remplacer les religions ; c’est le sentiment en tant qu’il est excité par des symboles métaphysiques, en tant qu’il accompagne des spéculations

    Nous comptons en faire autant pour vous :
    Portez-vous bien, chers amis, adieu, adieu.

    Portez-vous bien, chers amis, adieu, adieu,
    Jusqu’à ce que nous nous réunissions de nouveau ;
    Gardez en vue le système social,
    Portez-vous bien, chus amis, adieu, adieu.