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la religion et la fécondité des races.

raient exercer une influence considérable sur l’armée, qui aujourd’hui est la nation même. Les conférences aux soldats seront certainement un jour un des grands moyens de la vulgarisation des connaissances ; elles ont été récemment employées avec succès en Belgique, pendant les grèves, pour inculquer à l’armée des notions d’économie politique et la prémunir contre certaines naïvetés communistes.

Après les conférences aux soldats, mentionnons les affiches. Certains discours politiques de la Chambre ou du Sénat, qu’on placarde sur les murs du village le plus reculé, sont infiniment moins utiles à connaître que ne le serait tel ou tel renseignement statistique, économique, géographique. Outre l’affichage dans les campagnes, on peut indiquer encore la lecture à haute voix soit par un fonctionnaire important du village, soit même par le crieur public. Le Bulletin des Communes, rédigé avec plus de soin qu’il ne l’est, rempli d’exemples utiles, pourrait être lu chaque dimanche sur la place de la mairie. Si le maître d’école était chargé de ce soin, il y aurait là le germe d’une conférence hebdomadaire, instructive, qui aurait grande chance de réussir et d’attirer un public, dans le vide et la monotonie de la vie à la campagne. On pourrait de cette manière faire afficher, faire lire et commenter à haute voix des renseignements statistiques et économiques sur la dépopulation de certaines provinces, séries dangers de cette dépopulation, sur l’accroissement énorme des peuples allemand, anglais, italien, sur les conséquences sociales de l’affaiblissement d’une race, enfin appeler l’attention de tous sur la ruine économique et politique qui nous menace. Là où diminue l’influence de l’instruction religieuse, il est essentiel d’y suppléer par une éducation morale et patriotique qui combatte les préjugés, l’égoïsme, l’imprévoyance ou la fausse prévoyance.

Une des illusions psychologiques les plus fréquentes qu’une meilleure éducation pourrait faire disparaître, c’est de se figurer le bonheur de ses enfants exactement sur le type de son propre bonheur. Un avare, qui n’est heureux qu’en amassant de l’argent, ne voit pas pour sa postérité de jouissance pareille à la possession d’un capital massif, nun divisé entre plusieurs. Le paysan, qui a passé sa vie à arrondir son lopin de terre par un travail de chaque jour et par des stratagèmes sans nombre, ne conçoit pas pour son fils d’autre idéal que la culture et l’agrandissement de cette terre tant désirée : sa vue ne s’étend pas au delà de la haie