Page:Guyau - L’Irréligion de l’avenir.djvu/328

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
290
dissolution des religions.

fassent pas vendre leur établissement. Fort souvent le résultat de cette manœuvre est que l’héritier du principal établissement, n’ayant plus assez de fonds de roulement, ne peut plus continuer l’œuvre paternelle et se ruine là où le père s’était enrichi. La loi, pour accomplir le partage des produits du travail paternel, en vient trop souvent à anéantir ce travail même ; afin d’obtenir une plus grande équité apparente dans le partage des revenus, ou en épuise la source. C’est l’éternelle histoire des sauvages coupant l’arbre pour en cueillir les fruits.

Le service militaire, — la charge peut-être la plus lourde que l’État fasse peser sur l’individu, — est aussi le principal moyen d’action que l’État ait sur lui. Le Normand le plus malthusien se convertirait soudain si on pouvait à volonté lui imposer ou lui retirer cinq ans de service militaire. Dès maintenant on dispense du service des vingt-huit jours le père de quatre enfants vivants (loi d’ailleurs peu connue, et qui devrait l’être) ; il faudrait faire plus et e dispenser absolument de tout service de réserve, même en temps de guerre. De même, comme on l’a demandé, une famille qui a fourni deux soldats devrait être quitte envers l’armée : les fils plus jeunes seraient exemptés définitivement par le passage de leurs deux frères sous les drapeaux. Actuellement, les familles où il y a plus de deux fils sont assez rares pour qu’une telle mesure diminue à peine les contingents annuels[1]. D’ailleurs les ressources budgétaires sont insuffisantes pour incorporer chaque classe en entier ; il est donc irrationnel de s’adresser au sort pour désigner la seconde partie du contingent. C’est là s’adresser à l’inégalité même et à la grâce sous prétexte d’égalité et de droit : l’avenir de toute société dépend de la part décroissante qu’on laissera aux injustices du hasard. Il faudrait donc régler la charge militaire incombant à chaque famille selon le nombre de ses enfants[2]. L’émigration tendant à augmenter la fécondité, il fau-

  1. M. Javal, en 1885, a proposé à la Chambre de remplacer l’article 19 de la commission par un article aux termes duquel, quand une famille aurait deux ou trois fils sous les drapeaux, ils ne seraient tenus ensemt)le qu’à trois ans de service, et quand il y en aurait plus de trois, chacun ne ferait qu’un an de service. Cet amendement était inspiré par l’arrêt de la population en France.
  2. On pourrait encore, comme le demande M. Richet, permettre le mariage aux jeunes soldats dans certaines conditions : ils ont l’âge où préciémeat la fécondité est la plus grande.