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dissolution des religions.

tion nouvelle : il serait légitime que l’État lui restituât une minime portion des dépenses qu’il a faites d’une manière désintéressée et qui, infructueuses pour lui, sont fructueuses surtout pour l’État.

En attendant cette époque un peu lointaine, il y a une réforme immédiatement praticable, l’impôt sur les célibataires. Chaque fois qu’il a été question de cet impôt, tout le monde a raillé, parce que, suivant la remarque de M. Ch. Richet, on s’est représenté la chose comme une amende, une sorte de punition à celui qui n’a pas voulu ou pu se marier. C’est là se faire une idée très fausse d’une mesure qui ne serait que la plus stricte justice. En effet, à fortune égale, un célibataire paye évidemment à l’État moins d’impôts (impôts indirects, impôt des portes et fenêtres, etc.) ; enfin il se dispense de cette partie de l’impôt du sang qui est payée par la génération du père de famille, car en réalité ce dernier sert plusieurs fois son pays, par lui-même et par ses enfants. Le célibataire est donc dans une situation tout à fait pridlégiée ; il échappe d’un seul coup à presque toutes les charges sociales ; par rapport à tous les impôts directs ou indirects, il jouit de dispenses qui ne sont pas sans analogie avec celles dont jouissaient autrefois les prêtres et les nobles. Les mêmes observations valent pour les ménages sans enfants ; ils sont privilégiés et pour ainsi dire protégés, encouragés par la loi : c’est un état de choses qui ne doit pas, qui ne peut pas durer.

Par l’impôt sur les célibataires, on ne ferait que revenir aux idées de la révolution française. La révolution avait eu soin, par de nombreuses lois, de favoriser l’homme marié en imposant davantage le célibataire. Ainsi tout célibataire était rangé dans une classe supérieure à celle où son loyer l’eût placé s’il eût été marié ; s’il réclamait des secours pour causes imprévues, il ne recevait que la moitié des sommes accordées à l’homme marié ; s’il avait plus de trente ans, la loi l’obligeait à payer un quart en sus de toute contribution foncière ; la valeur imposable de ses loyers était surhaussée de moitié. Le fabricant était tenu de déclarer pour la répartition de l’impôt s’il était célibataire ou marié. La loi considérait comme célibataire tout homme âgé de trente ans qui n’était ni marié, ni veuf[1].

  1. Voir les Études sur le célibat en France, du Dr  G. Lagneau. (Académie des sciences morales et politiques, page 835, année 1885.)