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dissolution des religions.

besoins génésiques diminuer sous l’influence du travail intellectuel de manière à n’en plus engendrer qu’un en quarante ans, cela devient de la fantaisie scientifique, plus à sa place dans un vaudeville que dans un livre sérieux. Remarquons, au contraire, que la fécondité est moins grande chez nos paysans, dont l’usure cérébrale est réduite au minimum, que dans nos villes, où l’usure est assurément plus forte ; la fécondité se trouve malheureusement, dans les villes, compensée par la mortalité. L’antagonisme entre la fécondité et le développement cérébral pourrait se soutenir avec bien plus de raison pour le sexe féminin ; mais précisément la femme française, dont l’éducation a été longtemps délaissée, ne paraît pas du tout posséder en moyenne une supériorité intellectuelle sur les femmes des autres pays. Enfin, parmi nos provinces, la plus inféconde est la Normandie, où cependant les femmes sont assez vigoureuses pour présenter plus que partout ailleurs des cas nombreux de gémellité.

C’est donc bien le malthusianisme qui est la cause du mal, et ce malthusianisme est un fléau pire que le paupérisme ; c’est en quelque sorte le paupérisme de la bourgeoisie. De même qu’une misère trop grande peut tuer toute une classe sociale, le malthusianisme tuera nécessairement la bourgeoisie. Il est rare en eff’et qu’un ménage bourgeois ait plus d’un ou deux enfants ; or, il faut deux enfants au moins pour remplacer le père et la mère, plus une fraction pour remplacer les célibataires et les époux stériles. Les bourgeois en viendront donc nécessairement à s’anéantir : le remède à leur restriction sera le suicide.

En somme, la question de la dépopulation française est purement et simplement une question de morale ; mais elle est liée plus que toutes les autres questions de ce genre à la religion, parce que la morale religieuse a été, jusqu’à présent, la seule qui ait osé aborder ces problèmes dans l’éducation populaire : la morale laïque a montré à cet endroit la phis blâmable négligence.


II. — La question ainsi posée, — retour aux religions traditionnelles ou extinction graduelle de la race, — les libres penseurs peuvent hésiter entre un certain nombre d’alternatives. Ils ont pour premier refuge la résignation : « après moi, le déluge. » C’est la morale de beaucoup de bourgeois français et même d’économisles à courte vue,