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introduction.

qui s’y était fixé et engourdi pour un temps en formules prétendues immuables sera plus vivace que jamais. Il y aura moins de foi, mais plus de libre spéculation ; moins de contemplation, mais plus de raisonnement, d’inductions hardies, d’élans actifs de la pensée : le dogme religieux se sera éteint, mais le meilleur de la vie religieuse se sera propagé, aura augmenté en intensité et en extension. Car celui-là seul est religieux, au sens philosophique du mot, qui cherche, qui pense, qui aime la vérité. Le Christ aurait pu dire : — Je suis venu apporter non la paix dans la pensée humaine, mais la lutte incessante des idées, non le repos, mais le mouvement et le progrès de l’esprit, non l’universalité des dogmes, mais la liberté des croyances, qui est la première condition de leur expansion finale[1].


IV. — Aujourd’hui, où l’on en vient à douter de plus en plus de la valeur de la religion pour elle-même, la religion a trouvé des défenseurs sceptiques, qui la soutiennent tantôt au nom de la poésie et de la beauté esthétique des légendes, tantôt au nom de leur utilité pratique[2]. Il se produit par moments dans les intelligences modernes une revanche de la fiction contre la réalité. L’esprit humain se lasse d’être le miroir trop passivement clair où se reflètent les choses ; il prend alors plaisir à souffler sur sa glace pour en obscurcir et en déformer les images. De là vient que

  1. Voir 3e partie, ch. I et II.
  2. Voir 2e partie, ch. IV.