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la religion et l’irréligion chez l’enfant.

morte à l’enfant orphelin. Il peut lui faire un souvenir de son propre et dvant souvenir. Que l’enfant se conduise bien ou mal, il peut lui dire : « Si ta mère était là ! » Il l’habituera ainsi à trouver une récompense ou une peine dans l’approbation ou le blâme de la conscience maternelle reproduite en sa propre conscience[1].

Pour mieux poser le problème, supposons des circonstances un peu moins tragiques que celles oh nous place M. Ménard, et demandons-nous comment, en général, il faut parler de la mort à l’enfant. Lorsque l’enfant commence à suivre un raisonnement un peu complexe, vers l’âge de dix à douze ans par exemple, j’avoue que je ne vois aucun inconvénient à répondre à ses questions comme on le ferait à celles d’une grande personne. À cet âge il ne croit plus aux fées, il n’a pas besoin de croire aux légendes, même à celles du christianisme : c’est le moment où l’esprit scientifique et philosophique se développe chez lui ; il ne faut pas l’entraver, le fausser. Si son intelligence se porte vers les problèmes philosophiques, il faut s’en féliciter et tenir à son égard la même conduite que si elle se portait vers les problèmes historiques. J’ai vu un enfant très tourmenté de savoir si tel personnage historique était mort de sa mort naturelle ou avait été empoisonné ; on lui répondit que la chose était douteuse, mais qu’il y avait probabilité de tel côté. Ainsi doit-on faire quand il s’agit de problèmes plus importants.

— Mais comment, dira-t-on, au sujet de l’au-delà, faire à l’enfant des réponses qu’il puisse comprendre ? Le seul langage à sa portée n’est-il pas celui du christianisme, qui lui parle d’hommes enlevés au ciel, d’âmes bienheureuses siégeant parmi les anges et les séraphins, etc. ? — Nous répondrons qu’en général on se fait une étrange idée de l’intelligence de l’enfant. On plie son esprit aux subtilités de grammaire les plus raffinées, aux subtilités de théologie les plus bizarres, et on craindrait de lui dire un mot de philosophie. Une petite fille de onze ans sut, à ma connaissance, répondre de la façon la plus ingénieuse à cette interrogation imprévue : « Quelle différence y a-t-il entre le parfait chrétien et un chrétien parfait ?» Il est évident

    âges, et pour les peuples comme pour les individus. Il est tout naturel que nous trouvions le culte des ancêtres à l’origine des sociétés. » Félix Henneguy, Critique philosophique, 8e année, t. II, page 218.

  1. Voir ibid.