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introduction.

c’est-à-dire universel, ou même d’une croyance catholique, nous semble donc le contraire même du progrès indéfini auquel chacun de nous doit travailler selon ses forces. Une pensée n’est réellement personnelle, n’existe même à proprement parler et n’a le droit d’exister qu’à condition de ne pas être la pure répétition de la pensée d’autrui. Tout œil doit avoir son point de vue propre, toute voix son accent. Le progrès même des intelligences et des consciences doit, comme tout progrès, aller de l’homogène à l’hétérogène, ne chercher Tidéale unité qu’à travers une variété croissante. Reconnaîtrait-on la puissance absolue d’un chef sauvage ou d’un monarque oriental dans le gouvernement républicain fédératif qui sera probablement, après un certain nombre de siècles, celui des nations civilisées ? Non ; cependant l’humanité est passée de l’une à l’autre par une série de degrés quelquefois à peine visibles. Nous croyons qu’elle s’acheminera de même graduellement de la religion dogmatique à prétention universelle, « catholique » et monarchique, — dont le type le plus curieux est précisément arrivé de nos jours à son achèvement avec le dogme de l’infaillibilité, — vers cet état d’individualisme et d’anomie religieuse que nous considérons comme l’idéal humain, et qui d’ailleurs n’exclut nullement les associations ou fédérations diverses, ni le rapprochement progressif et libre des esprits dans les hypothèses les plus générales.


Le jour où les religions positives auront disparu, l’esprit de curiosité cosmologique et métaphysique