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introduction.

religion une force dissolvante, celle même qui a servi le plus puissamment à la constituer d’abord à la place d’une autre : l’indépendance du jugement individuel. C’est sur cette force qu’on peut compter pour amener, avec la décomposition graduelle de tout système de croyances dogmatiques, l’absence finale de religion[1].


Outre la confusion de la métaphysique éternelle et de la morale éternelle avec la perpétuité de la religion positive, il y a une autre tendance de nos contemporains contre laquelle nous avons voulu réagir. C’est la croyance que beaucoup professent à l’unification finale des religions actuelles dans leur « religion de l’avenir », soit judaïsme perfectionné, soit christianisme perfectionné, soit bouddhisme perfectionné. À cette « unité religieuse » de l’avenir nous opposerons plutôt la pluralité future des croyances, l’anomie religieuse[2]. La prétention à l’universalité est sans doute le caractère de toutes les grandes religions ; mais l’élément dogmatique et mythique qui les constitue religions positives est précisément inconciliable, même sous la forme élastique du symbole, avec cette universalité à laquelle elles aspirent. Une telle universalité ne peut même pas se réaliser dans le domaine métaphysique et moral, car l’élément insoluble et inconnaissable qui n’en peut être éliminé entraînera toujours des divergences d’opinion. L’idée d’un dogme actuellement catholique,

  1. Voir 3e partie, ch. I.
  2. Voir 3e partie, ch. II.