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dissolution des religions.

dirigé avec plus d’intelligence et la situation économique sera meilleure ; le protestantisme crée donc une supériorilé non seulement sous le rapport de l’instruction, mais sons celui du commerce et de l’industrie, de l’ordre et de la propreté[1].

De même, dans l’ordre civil et politique, les protestants se sont toujours montrés partisans du self-government, de la liberté, de l’autonomie locale et de la décentralisation. En même temps que la Réforme se sont répandus en Suisse, en Hollande, en Angleterre et aux États-Unis, des principes de liberté qui sont devenus plus tard ceux mêmes de la Révolution française. Les Calvinistes, notamment, ont eu de tout temps un idéal libéral et égalitaire qui les rendit à bon droit suspects à la monarchie française ; ils ne

    cantons purement latins, mais protestants, de Neuchâtel, de Vaux et de Genève sont au niveau des cantons germaniques de Zurich et de Berne, et ils sont très supérieurs à ceux du Tessin, du Valais ou de Lucerne.

  1. En Suisse, les cantons de Neuchâtel, de Vaud et de Genève l’emportent d’une manière frappante sur ceux de Lucerne, du haut Valais et des cantons forestiers : ils sont non seulement plus instruits, mais plus industrieux, plus commerçants, plus riches ; enfin ils offrent une plus grande production littéraire et artistique. « Aux États-Unis, dit Tocqueville, la plupart des catholiques sont pauvres. » Au Canada, les grandes affaires, les industries, le commerce, les principales boutiques dans les villes sont aux mains des protestants. M. Audiganne, dans ses études sur les populations ouvrières de la France, remarque la supériorité des protestants dans l’industrie, et son témoignage est d’autant moins suspect qu’il n’attribue pas cette supériorité au protestantisme. « La majorité des ouvriers nîmois, dit-il. notamment les taffetassiers, sont catholiques, tandis que les chefs d’industrie et du commerce, les capitalistes en un mot, appartiennent en général à la religion réformée. » — « Quand une même famille s’est divisée en deux branches, l’une restée dans le giron de la croyance de ses pères, l’autre enrôlée sous l’étendard des doctrines nouvelles, on remarque presque toujours, d’un côté, une gêne progressive et, de l’autre, une richesse croissante. » — « À Mazamet, l’Elbœuf du Midi de la France, dit encore M. Audiganne, tous les chefs d’industrie, excepté un, sont protestants, tandis que la grande majorité des ouvriers est catholique. Il y a moins d’instruction parmi ces derniers que parmi les familles laborieuses de la classe protestante. » Avant la Révocation de l’édit de Nantes, les réformés l’emportaient dans toutes les branches du travail, et les catholiques, qui ne pouvaient soutenir la concurrence, leur firent défendre, à partir de 1662, par plusieurs édits successifs, l’exercice de différentes industries où ils excellaient. Après leur expulsion de France, les protestants apportèrent en Angleterre, en Prusse, en Hollande leur esprit d’entreprise et d’économie ; ils enrichissaient le district où ils se fixaient. C’est à des latins réformés que les Germains doivent en partie leurs progrès. Les réfugiés de la Révocation ont introduit en Angleterre différentes industries, entre autres celle de la soie, et ce sont les disciples de Calvin qui ont civilisé l’Écosse. (Voir M. de Laveleye, De l’avenir des peuples catholiques.)