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introduction.

produit lorsque cette conscience de la sociabilité de la vie, en s’élargissant, s’étend à l’universalité des êtres, non seulement des êtres réels et vivants, mais aussi des êtres possibles et idéaux. C’est donc dans l’idée même de la vie et de ses diverses manifestations individuelles ou sociales que nous cherchons l’unité de l’esthétique, de la morale et de la religion.

Dans la première partie de cet ouvrage, nous montrerons l’origine et l’évolution de la mythologie sociologique. Dans les autres parties, nous nous demanderons si, une fois écarté, l’élément mythique ou imaginatif qui est essentiel à la religion et qui la distingue de la philosophie, le point de vue sociologique ne pourra pas rester encore le plus large et le plus vraisemblable pour l’explication métaphysique de l’univers[1]

  1. On sait l’importance attribuée par Auguste Comte à la sociologie, mais, dans son horreur pour la métaphysique, le fondateur du positivisme a exclu de cette science toute portée vraiment universelle et cosmique pour la réduire à une valeur exclusivement humaine. MM. Spencer, de Lilienfeld, Schaeffle et Espinas, élargissant la sociologie de Comte, ont étendu les lois sociales et montré, que tout organisme vivant est une société embryonnaire, que toute société, réciproquement, est un organisme. Mais on peut aller plus loin encore, avec un philosophe contemporain, et attribuer à la sociologie une portée métaphysique. « Puisque, dit M. Alfred Fouillée, la biologie et la sociologie se tiennent si étroitement, les lois qui leur sont communes ne nous révèleraient-elles pas les lois les plus universelles de la nature et de la pensée ? L’univers entier n’est-il point lui-même une vaste société en voie de formation, une vaste union de consciences qui s’élabore, un concours de volontés qui se cherchent et peu à peu se trouvent ? Les lois qui président dans les corps au groupement des invisibles atomes sont sans doute les mêmes que celles qui président dans la société au groupement des individus ; et les atomes eux-mêmes, prétendus indivisibles, ne sont-ils point déjà des sociétés ? S’il en était ainsi, il serait vrai de dire que la science sociale, couronnement de toutes les sciences humaines, pourra nous livrer un jour, avec ses plus hautes formules, le secret même de la vie universelle… La sociologie peut fournir une représentation particulière de l’univers, un type universel du monde conçu comme une société en voie de formation, avortant ici et réussissant ailleurs, aspirant à