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dissolution des religions.

mence à voir dans le médecin un homme comme un autre, qui lire ce qu’il sait de son propre fonds, ne reçoit aucune inspiration d’en haut, doit être par conséquent choisi avec soin, aidé, soutenu dans sa tâche. On comprend que les remèdes employés par lui n’ont rien de mystérieux, que leur action est régulière, que tout est une question d’intelligence dans l’application elle dosage ; au lieu de se remettre comme une matière passive entre ses mains, on tâche de coopérer à la fin qu’il poursuit, on agit davantage. Quand nous entendons quelqu’un appeler au secours et que nous pouvons courir à lui, songeons-nous à nous agenouiller ? Non ; nous considérerions même une prière passive comme un homicide déguisé. L’époque est passée où Ambroise Paré s’écriait modestement : « Je le pansai, Dieu le guérit, » Toujours est-il que Dieu ne guérit pas ceux qu’on panse mal. Le progrès des sciences naturelles est une sorte d’assurance préventive, qui n’est plus renfermée dans la sphère purement économique ; un jour on pourra, avec quelques précautions, s’assurer non seulement contre les conséquences économiques de tel ou tel accident, mais contre cet accident même ; on en viendra à le prévoir et à l’éviter, comme on prévoit et évite souvent la misère. Enfin, à l’égard même des maux qui n’auront pu être évités, chacun ne comptera que sur la science et sur l’effort humain.

Grâce à toutes les causes précédemment énumérées, que de pas faits depuis l’antiquité et le moyen âge ! D’abord, on ne croit plus aux oracles et aux prédictions. La loi, du moins, n’y croit pas et punit même ceux qui cherchent à spéculer sur la naïveté de quelques ignorants. Les devineresses de nos jours ne sont plus logées dans des temples ; en tous cas elles n’ont plus les philosophes et les hauts personnages pour clients. Nous sommes loin du temps où Socrate et ses disciples allaient consulter les oracles, où les dieux parlaient, donnaient des conseils, réglaient la conduite des hommes, tenaient lieu d’avocats, de médecins, de juges, décidaient de la paix ou de la guerre. Si on eût affirmé à un païen qu’un jour les hommes pourraient se passer de l’oracle de Delphes, il eût été aussi surpris qu’un chrétien l’est aujourd’hui quand on lui dit qu’un jour nouo n’aurons plus besoin de cathédrales, de prêtres et de cérémonies religieuses.

On sait le rôle que jouaient aussi les prophéties dans la religion des Hébreux. Au moyen âge, on a fait l’expérience