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dissolution des religions.

inventant le paratonnerre, a fait plus pour la destruction des sentiments superstitieux que n’aurait fait la propagande la plus active.

On pourrait déjà de nos jours, comme M. Renan l’a remarqué, démontrer scientifiquement la non-intervention du miracle dans les affaires de ce monde et l’inefficacité des demandes à Dieu pour en modifier le cours naturel ; on pourrait, par exemple, soigner les mêmes malades selon les mêmes méthodes, dans deux salles d’hôpital voisines l’une de l’autre : pour les malades de l’une des salles, un prêtre prierait ; il serait possible de voir si la prière modifie d’une manière appréciable la moyenne des guérisons. Le résultat de cette sorte d’expérience sur le pouvoir providentiel est d’ailleurs facile à deviner, et il est douteux qu’aucun prêtre instruit voulût s’y prêter.

Les sciences physiologiques et psychologiques ont le rôle très important de nous expliquer d’une manière naturelle une foule de phénomènes du système nerveux où l’on était forcé, jusqu’alors, de voir du merveilleux ou de la supercherie, du divin ou du diabolique.

Enfin, les sciences historiques attaquent les religions non pas seulement dans leur objet, mais en elles-mêmes, dans leur formation naturelle, montrant toutes les sinuosités et les incertitudes de la pensée qui les a construites, les contradictions primitives, bien ou mal corrigées par la suite, les dogmes les plus précis formés par la juxtaposition lente d’idées vagues et hétérogènes. La critique religieuse, dont les éléments se répandront tôt ou tard jusque dans l’enseignement, est l’arme la plus redoutable dont on se soit servi contre le dogmatisme religieux ; elle a eu et elle aura surtout son effet dans les pays protestants, où la théologie passionne même les foules. La foi religieuse tend à être remplacée par la curiosité des religions : nous comprenons mieux ce à quoi nous croyons moins, et nous nous intéressons davantage à ce qui ne nous cfrraic plus d’une horreur sacrée. Mais l’explication des religions positives apparaît comme tout le contraire de leur justification : faire leur histoire, c’est faire leur critique. Quand on veut approcher du point d’appui qu’elles semblaient avoir dans la réalité, on voit ce point reculer peu à peu puis disparaître, comme lorsqu’on approche du lieu où paraissait se poser l’arc-en-ciel : on avait cru trouver dans la religion un lien rattachant le ciel à la terre, un gage d’alliance et d’espérance ; c’est un jeu de