le sentiment que nous avons tous de notre dépendance
absolue. Les puissances dont nous nous sentons
ainsi dépendants, nous les nommons divinités. D’autre
part, selon Feuerbach, l’origine, l’essence même
de la religion, c’est le désir : si l’homme n’avait pas
de besoins et de désirs, il n’aurait pas de dieux.
Si la douleur et le mal n’existaient pas, dira plus tard
M. de Hartmann, il n’y aurait pas de religion ;
les dieux mêmes n’ont été dans l’histoire que les
puissances dont l’homme croyait recevoir ce qu’il ne
possède pas et voudrait posséder, dont il attendait la
libération, le salut, la félicité. Les deux définitions de
Schleiermacher et de Feuerbach prises à part sont
incomplètes, et il est au moins nécessaire, comme
le remarque Strauss, de les superposer. Le sentiment
religieux est tout d’abord le sentiment
d’une dépendance, mais ce sentiment de dépendance,
pour donner vraiment naissance à la religion,
doit provoquer de notre part une réaction, qui est
le désir de délivrance. Sentir notre faiblesse, prendre
conscience des déterminations de toute sorte qui
limitent notre vie, puis désirer d’augmenter notre
puissance sur nous-mêmes et sur les choses, élargir
notre sphère d’action, reconquérir une indépendance
relative en face des nécessités de toute sorte qui nous
enveloppent, telle est la marche de l’esprit humain
en face de l’univers.
Mais ici une objection se présente : la même marche semble suivie exactement par l’esprit pour l’établissement de la science. Dans la période scientifique, l’homme se sent aussi fortement dépendant que